Lire le texte de l’échange entre Marie-Claude Varaillas et la Ministre de l’éducation et de la jeunesse, Nicole Belloubet
Madame la Ministre de l’Éducation et de la jeunesse,
Après deux journées de grève, deux votes unanimes du Conseil Supérieur de l’Education contre la réforme « du choc des savoirs » et des lycées professionnels, vous persistiez hier encore, Madame la Ministre, dans les médias dans votre remise en cause du collège unique qui va générer une école à deux vitesses, celle du tri social avec la mise en place des groupes de niveaux à la rentrée 2024.
Ne pensez-vous pas que l’urgence est ailleurs ? Le bilan de vos prédécesseurs, marqué par l’insuffisance des moyens dont ceux alloués à l’inclusion, les suppressions de postes d’enseignants, la succession des réformes contradictoires, ont amené l’école publique au bord de l’effondrement.
Partout dans nos territoires le même constat : les enseignants sont en colère et le personnel de direction fatigué. Plus de 3 000 postes non pourvus à la rentrée 2023, une augmentation inédite de démissions dans le même temps, où le Conseil Supérieur des programmes prévoit de son côté 328 000 postes à pourvoir d’ici 2030.
Je vous le dis avec gravité, Madame La Ministre, aujourd’hui c’est le maintien de la continuité du service public de l’éducation qui est en jeu.
Comment comptez-vous y remédier et faire face en l’état à l’intenable promesse des groupes de niveaux au Collège ?
Réponse de Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse :
Toutes les enquêtes internationales le montrent : l’efficacité de notre collège n’est pas optimale. Certes, les mesures prises depuis 2017 dans le primaire n’ont pas encore produit leurs effets, mais nous voyons bien que les résultats scolaires sont insuffisants ; pire, ils restent corrélés à l’indice socioéconomique des élèves.
C’est la raison pour laquelle mon anté-prédécesseur a décidé un « choc des savoirs » : je m’inscris pleinement dans cet objectif. L’inspection générale de l’éducation nationale a rendu un rapport sur le sujet, et 230 000 enseignants ont répondu aux questions qui leur ont été adressées. Leur constat est clair : les professeurs ne peuvent pas continuer à gérer une si grande hétérogénéité. Pour y remédier, je mettrai en place 4 mesures :
D’abord, au collège, des groupes permettant de prendre en charge la différenciation des élèves pour traiter cette hétérogénéité. Nous mettrons en place des petits groupes pour les élèves qui en ont le plus besoin et qui sont les plus en difficulté.
Ensuite, nous allons faire un effort pour modifier la formation continue et changer les règles de la formation initiale, ce qui nous permettra de recruter plus aisément.
Je souhaiterai, troisièmement, que tous nos corps d’inspection accompagnent les professeurs et les chefs d’établissement dans cette démarche.
Et enfin, je mettrai mon engagement plein et entier dans cette évolution de notre système éducatif.
Réplique de Marie-Claude Varaillas :
Madame la Ministre,
Ce changement, vous ne pourrez le mettre en œuvre qu’avec des moyens substantiels. Vous l’avez défendu en son temps, Madame la Ministre : pour que nos élèves réussissent, il faut plus d’enseignants formés, mieux rémunérés et moins d’élèves par classe.
Or, depuis 2017, ce sont 8 000 postes d’enseignants qui ont été supprimés. À l’heure où nous avons un cruel manque de mixité sociale, le choc des savoirs va séparer les élèves, les assigner à leur niveau et creuser davantage les inégalités.
Cinq ministres en moins de deux ans, Madame la Ministre : la communauté éducative attend que vous donniez une boussole à notre école publique !