Questions au gouvernement

Question écrite avec réponse au garde des sceaux, ministre de la justice

Dénonciation du syndrome d’aliénation parentale

Question écrite publiée au Journal Officiel le 7 juillet 2022
Réattribuée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice le 10 janvier 2023

Réponse publiée au Journal Officiel le 28 décembre 2023

Mme Michelle Gréaume attire l’attention de Mme la secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance sur la nécessité de dénoncer le syndrome d’aliénation parentale.

Le « syndrome d’aliénation parentale » (SAP) a été théorisé dans les années 1970 par un pédopsychiatre américain, Richard Gardner, mais n’est pas reconnu par la communauté scientifique. Ce concept désigne une situation dans laquelle un enfant rejette l’un de ses parents de façon « non justifiée ».

Avancé par des parents mis en cause dans des dossiers d’inceste ou de violences conjugales pour se défendre, le SAP est dénoncé par plusieurs magistrats, psychiatres et chercheurs, mais aussi par la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), chargée par le Gouvernement d’élaborer des préconisations de politique publique pour mieux protéger les enfants.

Selon eux, ce concept contribue à « occulter » les violences dénoncées par les enfants. Le Parlement européen, dans une résolution d’octobre 2021, exhorte les états de l’Union européenne « à ne pas reconnaître (le SAP) dans leur pratique judiciaire et leur droit ». Dans l’ouvrage collectif « Violences sexuelles, en finir avec l’impunité », le juge pour enfants et coprésident de la Ciivise alerte sur les dangers de l’aliénation parentale. « La diffusion de ce concept [...] détourne la responsabilité en dirigeant l’attention contre la mère, suspectée de manipuler son enfant », écrit-il.

Depuis février 2022, comme le préconisait la Ciivise, les magistrats ne doivent plus poursuivre le « parent protecteur » qui refuse de remettre son enfant au parent soupçonné de violences sexuelles, le temps que le juge vérifie les allégations. La Ciivise souhaite aller plus loin : qu’en cas de poursuite pénale pour violences sexuelles, l’exercice de l’autorité parentale et le droit de visite soient suspendus de plein droit.

Aussi, elle l’interroge sur les évolutions législatives et autre mesures qu’elle compte proposer pour mieux protéger les enfants et ne pas les exposer au parent suspecté de violences au cours de l’enquête au nom du SAP.


Réponse de M. le garde des sceaux, ministre de la justice

L’enfance est au cœur de la feuille de route du Gouvernement et la lutte contre les maltraitances et les violences faites aux enfants est une priorité absolue qui exige le renforcement de l’action policière et judiciaire afin de détecter, réprimer et prévenir les violences faites aux mineurs.

Le Gouvernement est donc particulièrement attentif à la protection des enfants victimes de violences intrafamiliales.

Dans le cadre de procédures judiciaires, le « syndrome d’aliénation parentale » (SAP) est régulièrement invoqué par l’une des parties, soit dans les situations de séparations conflictuelles impliquant des questions de garde d’enfant, soit dans les contextes de violences alléguées au sein du couple ou sur l’enfant.

Le recours au SAP vise alors à discréditer la parole ou l’attitude de l’enfant à l’encontre de l’un de ses parents. Les accusations portées ou le rejet ne sont, selon cette théorie, que la conséquence d’une manipulation de la part de l’autre parent, lequel chercherait à s’accaparer l’enfant ou, à tout le moins à se venger de son ex-conjoint. Pour autant, la notion de SAP est controversée.

Faute de preuves scientifiques suffisantes, le SAP n’est pas officiellement reconnu par les classifications des maladies et en particulier par la classification internationale des maladies de l’organisation mondiale de la santé. S’agissant plus précisément des évolutions législatives envisagées pour mieux protéger les enfants, des avancées majeures sur ce sujet ont récemment été réalisées.

Ainsi, la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales permet au juge d’instruction ou au juge des libertés et de la détention de suspendre le droit de visite et d’hébergement du parent mis en examen des chefs d’infraction commise soit contre son conjoint soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint et placé sous contrôle judiciaire (article 138-17° du code de procédure pénale).

Dans son premier avis consacré à la protection des enfants victimes d’inceste parental, le 27 octobre 2021, la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), préconisait déjà de suspendre les poursuites pénales pour non-représentation d’enfant contre un parent lorsqu’une enquête était en cours contre l’autre parent pour violences sexuelles incestueuses.

Le Gouvernement a entendu cette préconisation et le décret du 23 novembre 2021 tendant à renforcer l’effectivité des droits des personnes victimes d’infractions commises au sein du couple ou de la famille a ainsi créé un article D.47-11-3 au sein du code de procédure pénale : désormais, lorsqu’un parent mis en cause pour non-représentation d’enfant allègue que les faits qui lui sont reprochés sont justifiés par des violences ou toutes autres infractions relevant de l’article 706-47 commises sur le mineur par la personne qui a le droit de le réclamer, le procureur de la République doit faire vérifier ces allégations avant toute poursuite pour non-représentation d’enfant.

Ces avancées doivent encore être confortées par d’autres textes à venir. Afin de renforcer l’accompagnement pénal et civil pour les auteurs de violences faites aux enfants, et pour faire suite aux préconisations de la CIIVISE, le Gouvernement a annoncé la mise en place de mesures protectrices telles que l’accompagnement de l’enfant tout au long du processus pénal par les associations d’aide aux victimes (outre, le cas échéant, l’intervention d’un administrateur ad hoc).

De même, est envisagée l’inscription dans la loi du retrait de principe de l’exercice de l’autorité parentale, en cas de condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuses sur son enfant. C’est tout l’objet de la proposition de loi de la députée SANTIAGO, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intra-familiales, votée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale le 13 novembre 2023 et à laquelle le ministère de la Justice est pleinement associé dans un travail de co-construction.

Lorsque le parent est poursuivi ou mis en examen, l’exercice de l’autorité parentale et de ses droits de visite et d’hébergement seront suspendus de plein droit jusqu’à ce qu’un juge aux affaires familiales statue sur le sujet.

Le garde des sceaux a par ailleurs pris une circulaire le 28 mars 2023 relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences faites aux mineurs, soulignant les impératifs de coordination entre les auteurs judiciaires et leurs partenaires afin de favoriser les signalements, de veiller au traitement diligent des procédures, de sécuriser le mineur victime tout au long du processus judiciaire.

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