Mme Michelle Gréaume interroge Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion sur le changement de situation des centres de formation d’apprentis (CFA) du bâtiment et des travaux publics (BTP).
Depuis 1942, les comités de concertation et de coordination de l’apprentissage (CCCA) avaient pour mission d’assurer la promotion, le développement et la coordination de l’apprentissage dans le BTP.
Forts de leur ancrage concret dans le domaine, ils permettaient d’ajuster la formation à la demande du secteur, de s’adapter aux besoins et d’assurer une formation de qualité identique sur tout le territoire.
Or, depuis le 1er janvier 2020, dans le cadre de l’application de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, cette organisation harmonieuse est remise en cause par l’autonomisation des CFA.
En créant ce nouvel environnement concurrentiel et commercial, les acteurs de ce secteur, déjà en tension du point de vue du recrutement, craignent la fermeture des plus petites structures et une détérioration de l’enseignement, pénalisant ainsi de nombreux apprentis et limitant d’autant l’offre de formation.
En outre, ce fonctionnement en réseau assure aux salariés un statut protecteur et des conditions de travail unifiées, qui ne pourront être maintenus dans un système concurrentiel.
Face à tous ces risques, une mobilisation intersyndicale s’est organisée, avec la signature d’une pétition. Dans le Nord, l’inquiétude touche l’ensemble des salariés et des apprentis des CFA de Marly-lez-Valenciennes, Roubaix et Hesdigneul.
Tous demandent une reprise du dialogue au niveau national pour maintenir ce fonctionnement en réseau des CFA du BTP, permettant une mutualisation des moyens et un enseignement de qualité égale sur tout le territoire national.
C’est la raison pour laquelle elle l’interroge sur les intentions du Gouvernement à l’égard des revendications des acteurs et apprentis des CFA du BTP.
Réponse de Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion publiée le 28 avril 2022 :
La loi du 5 septembre 2018 a libéralisé la création d’organismes de formation par apprentissage et a prévu un financement au contrat et non plus par subvention. Elle a insufflé une dynamique positive en faveur de la formation en apprentissage qui est une voie d’excellence et de réussite dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) comme dans de nombreux secteurs.
Ainsi l’apprentissage a connu une hausse historique de près de 40% des entrées sur 2020, par rapport à 2019. La hausse s’est poursuivie en 2021 avec un record historique de 731 000. Le Gouvernement porte une attention particulière au développement de l’apprentissage, notamment dans le secteur du BTP qui est pourvoyeur d’emplois sur tout le territoire.
Avant la réforme, les centres de formation d’apprentis (CFA) du secteur du BTP bénéficiaient des ressources issues de la taxe d’apprentissage, gérées par les conseils régionaux, comme tous les autres CFA, mais également de ressources issues de la contribution à destination du comité de concertation et de coordination de l’apprentissage du bâtiment et des travaux publics (CCCA-BTP).
Cette spécificité du secteur répondait au poids prépondérant de l’apprentissage en matière de formation professionnelle dans le secteur du bâtiment. Pour ne pas porter atteinte à la libre concurrence entre les CFA, prévue par la loi, les financements du CCCA-BTP sont désormais ouverts à l’ensemble des CFA du secteur, paritaires ou non, et sur le fondement d’un appel à projets, ce qui met fin aux financements non-conditionnés. Les financements du CCCA-BTP ont été pérennisés et ceci afin de maintenir l’engagement spécifique des entreprises du BTP en faveur de l’apprentissage.
Le CCCA-BTP peut continuer d’intervenir pour appuyer les organismes de formation dans le BTP. Dans ce contexte renouvelé, l’Opco de la construction CONSTRUCTYS et le CCCA-BTP se sont rapprochés pour établir une convention de partenariat et prévoir des financements et des ingénieries croisées, notamment en matière d’investissements et d’innovation pédagogique.
En outre, l’existence d’un réseau paritaire de CFA n’est pas remise en cause, au contraire, les acteurs de l’apprentissage d’un même territoire sont invités à se concerter afin d’envisager des synergies en matière de fonctionnement au bénéfice des apprentis et des entreprises locales. Il est donc possible pour les associations paritaires délivrant des formations par apprentissage de choisir un nouveau régime juridique leur permettant de se structurer davantage, par la création d’une tête de réseau associative, la création d’un groupement d’intérêt économique (GIE) ou encore par la concentration de son réseau par fusion associative.
Enfin les Régions conservent des capacités de financement en soutien au fonctionnement des CFA, au nom de la cohérence territoriale, notamment en soutien à l’investissement par des possibilités de subventions, avec des fonds dédiés mobilisables et versés annuellement aux Régions pour répondre à des besoins d’aménagement du territoire ou de développement économique.
La réforme a procédé à un changement des modalités financières de prise en charge mais la complémentarité des acteurs reste intacte. Elle constitue une chance pour ce secteur, dans un contexte de très forte hausse des entrées et, ce faisant, des ressources pour les organismes de formation par apprentissage.