Questions au gouvernement

Question d'actualité au Gouvernement

Les collectivités territoriales ne sont pas un supplétif aux difficultés financières de l’Etat

Mercredi 27 mars, au cours de la séance de Questions d’actualité au Gouvernement, Cécile Cukierman, Présidente du groupe CRCE-K, a interpellé Gabriel Attal, Premier Ministre, au sujet des récentes annonces budgétaires relatives aux collectivités territoriales.

Lire l’échange entre Cécile Cukierman et Gabriel Attal

Cécile Cukierman :
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Mes cher.e.s collègues,

Après un projet de loi de finances imposé par 49-3, après l’annonce d’une économie de 10 milliards sur la sphère étatique sans passage devant le Parlement, le Président de la République, puis votre Ministre de l’économie ont dans le viseur les collectivités locales. Certains murmurent même déjà le retour de contrats de Cahors nouvelle génération.

A l’heure où les maires mettent au vote leur budget pour 2024, ces annonces inquiètent, sèment le trouble sur un avenir de plus en plus incertain. Depuis deux ans, les collectivités ont supporté les hausses de l’énergie que le filet de sécurité n’a jamais compensé ; la hausse des matériaux, faisant s’envoler à plus de 20% leurs projets initiaux au service des habitants ; l’envolée des taux d’intérêt ; la hausse du point d’indice pour les agents.

Tout ceci, elles doivent s’y adapter avec des budgets contraints, aux marges de manœuvre plus que restreintes sur leurs recettes à la différence de l’Etat.

Monsieur le Premier Ministre, quand allez-vous cesser de considérer les collectivités territoriales comme un supplétif aux difficultés financières de l’Etat ?

Gabriel Attal :
Merci Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénatrices et Sénateurs,
Madame la Présidente Cécile Cukierman,

Je suis moi-même élu local depuis 10 ans dans ma commune. Et je le dis ici, j’ai toujours refusé d’opposer l’Etat aux collectivités locales. Et j’ai toujours refusé de pointer du doigt l’Etat en tant qu’élu local, ou les élus locaux et les collectivités locales en tant que représentant de l’Etat, pour plusieurs raisons.
D’abord, parce que je connais le très grand esprit de responsabilité des élus locaux. Et ensuite, parce que nous sommes tous dans le même bateau. Quand on parle de la dépense publique, c’est bien la dépense publique de toutes les administrations publiques que l’on regarde. Et si on veut éviter une hausse supplémentaire des taux d’intérêt, c’est parce qu’on veut éviter que la charge de la dette pour l’Etat soit plus importante, mais aussi parce qu’on veut protéger les collectivités locales dans leurs capacités d’investissement.
Si les taux d’intérêt devaient augmenter fortement, les collectivités locales évidemment en seraient entravées pour leurs projets d’investissement, et donc nous avons un intérêt collectif à appliquer un sérieux dans nos décisions budgétaires. Ça, c’est la première chose.

La deuxième chose, c’est que je pense qu’il faut regarder factuellement ce que nous dit l’INSEE sur l’exécution budgétaire 2023. L’INSEE confirme que le ralentissement économique européen que nous connaissons, et fort heureusement que nous connaissons moins en France que chez nos voisins. Je rappelle que l’actualisation de la prévision de croissance allemande est nettement supérieure à la baisse à celle que nous avons réalisée en France, parce que l’économie française résiste mieux. Mais il y a un ralentissement européen qui se traduit par une diminution des recettes. Ce que nous dit l’INSEE, c’est que le financement des collectivités locales en 2023 a été important, parce que les recettes ont chuté, et parce que des dépenses ont augmenté plus vite que l’inflation, et que la revalorisation du point d’indice.

Une fois qu’on a dit ça, moi je crois très profondément, je le disais il y a un instant, à l’esprit de responsabilité collectif. Collectif. Et donc j’ai demandé à mon gouvernement de réunir les associations d’élus, pour échanger avec elles, travailler avec elles, et avancer tous ensemble dans un état d’esprit de responsabilité. C’est ce qui sera fait par Bruno Le Maire, Thomas Cazenave, Christophe Béchu et Dominique Faure le 9 avril prochain, elles recevront les représentants des associations d’élus pour avancer avec eux sur le sujet. Mais je le dis, je ne crois qu’il soit besoin d’agiter des épouvantails de contrats de Cahors, il n’est pas question de refaire les contrats de Cahors. L’enjeu, c’est comment, collectivement, on prend acte d’une dégradation économique qui a entrainé des difficultés budgétaires sur l’année 2023, et comment est-ce qu’on y répond collectivement. Et encore une fois, je crois à l’esprit de responsabilité de tous.
Mais je veux rappeler, Madame la Présidente Cukierman, juste quelques faits rapidement, puisque vous avez indiqué que nous prenions les collectivités locales comme des supplétifs, je crois que c’est le terme que vous avez employé.
Moi je veux quand même rappeler que, à l’initiative du Gouvernement, du Président de la République, nous avons inversé la courbe de la DGF, et depuis deux ans, pour la première fois en 13 ans, elle a augmenté. Alors, on peut avoir des débats pour dire « il aurait fallu qu’elle augmente davantage », il n’empêche qu’en 13 ans, elle n’avait pas augmenté, et que c’est bien à l’initiative du Président de la République qu’elle a augmenté.
Je veux rappeler que nous avons compensé à l’euro près nos réformes des finances locales, et la Cour des Comptes montre même que cette compensation a permis de compenser plus que prévu : 6 milliards d’euros davantage fin 2022.
Je veux rappeler les dispositifs qui ont été mis en place face aux crises, avec 10 milliards d’euros de soutien lors de la crise sanitaire, plus de 2 milliards d’euros face à la hausse des factures d’énergie, on avait beaucoup parlé ici, on y avait travaillé ensemble. Je veux redire qu’en 2024, évidemment l’accompagnement de l’Etat ne faiblira pas, il versera 60 milliards d’euros aux collectivités locales. C’est le deuxième poste de dépenses de l’Etat après l’éducation nationale. Evidemment, nous sommes au rendez-vous, à leurs côtés.

Cécile Cukierman :
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Mes cher.e.s collègues,

Monsieur le Premier Ministre, la question n’est pas d’opposer l’Etat et les collectivités territoriales, factuellement ce sont deux logiques comptables totalement différentes.
Monsieur le Premier Ministre, je le redis, vous avez le choix de faire les recettes que vous souhaitez. Vous décidez aujourd’hui de faire des coupes dans les dépenses de tous vos Ministères, des politiques publiques au service de celles et de ceux qui en ont le plus besoin dans notre pays, c’est un choix politique.

Les collectivités territoriales aujourd’hui qui doivent boucler leur budget, qui doivent répondre aux besoins de leur population, qui pallient la défaillance des plus grandes missions régaliennes de l’Etat, et il n’y a qu’à voir l’explosion des budgets locaux en matière de santé et de sécurité depuis 7 ans dans les collectivités territoriales, n’ont pas ce choix-là.
Donc oui, aujourd’hui, vous décidez d’en faire les supplétifs de vos difficultés financières.

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