Auditions en commissions

Travail sénatorial au sein de la Délégation à la Prospective

Parution du rapport sur la dette co-écrit par Eric Bocquet

Mercredi 10 novembre 2021 était présenté au Sénat le rapport co-écrit par Eric Bocquet et sa collègue sénatrice Sylvie Vermeillet.

Ce rapport, dont l’essentiel est à découvrir ci-dessous, a fait l’objet de nombreux articles dans la presse.

Une page y est dédiée sur le site du Sénat. Pour en savoir plus, cliquez ici pour la consulter.


La presse en a parlé

La Tribune, le 10 novembre 2021

Démocratiser le débat sur la dette ? Le Sénat veut sortir des discussions "techniques"

Par Grégoire Normand

Après l’explosion des dettes publiques, les sénateurs Sylvie Vermeillet (Union centriste) et Eric Bocquet (communiste) proposent de mettre en place un débat démocratique ouvert et transparent au sein du parlement "sur la stratégie d’endettement de la France à moyen terme, et définir des signaux d’alerte (taux d’intérêt, croissance)".

"Mutualisation", "cantonnement", "annulation"...la politique du "quoi qu’il en coûte" menée par Emmanuel Macron au printemps 2020 a relancé d’âpres débats sur l’avenir des finances publiques.

En Europe, les règles budgétaires issues du traité de Maastricht sont remises en question. Ces fameux critères des 3% de déficit et 60% de dette élaborés en France ont été complètement chamboulés par les dépenses astronomiques des Etats afin de faire face aux dégâts économiques et sociaux de la pandémie.

La politique monétaire non conventionnelle de la Banque centrale européenne a permis à la plupart des grands Etats de l’Union monétaire de se financer à des taux d’intérêt négatifs au pire de la crise sanitaire.

De son, côté, la Commission européenne avait même décidé de suspendre ces règles jusqu’en 2023 avant d’ouvrir de nouvelles discussions sur leur révision il y a quelques jours. Dans les couloirs de Bruxelles, les grands argentiers de la zone s’activent pour remettre à plat ces niveaux jugés "obsolètes" par beaucoup d’économistes et de nombreuses forces politiques de tous bords. Au printemps, l’ancien ministre de l’Economie sous Chirac, Jean Arthuis, avait défendu la mise en place d’une règle d’or sur les dépenses publiques dans ses conclusions rendues au gouvernement.

Un choix économique avant tout

Dans ce contexte, la délégation à la prospective du Sénat a dévoilé un rapport détaillé ce mercredi 10 novembre sur l’avenir des dettes publiques appelant à sortir des débats techniques entre économistes et experts pour faire entrer cette question cruciale dans l’arène politique.

"L’exercice de prospective n’est pas un exercice de prévision économique, il s’agit d’élaborer plusieurs scénarios. Existe-t-il des limites à la progression de la dette publique ? Rouler la dette, cantonner la dette, la mutualiser sont plusieurs options possibles. La dette n’est pas une question technique mais avant tout un choix économique", a expliqué la sénatrice Sylvie Vermeillet du Jura, membre de l’Union centriste lors d’un point presse. "Il s’agit d’un sujet hautement politique. Ce n’est pas seulement un exercice technique et comptable" a ajouté Eric Bocquet, sénateur communiste du Nord.

Alors que la France s’apprête à prendre la présidence de l’Union européenne dans quelques semaines pour six mois, la question de l’avenir des dettes publiques pourrait à nouveau refaire surface sur le Vieux continent alors que la reprise économique doit faire face à des tensions inflationnistes et des poussées épidémiques en Allemagne ou en France.

Un débat démocratique et ouvert

A l’issue de l’audition d’une quinzaine d’experts et leur rendez-vous à l’agence France trésor en charge de la gestion de la dette de l’Etat, les deux rapporteurs ont formulé cinq propositions. Parmi les suggestions avancées figure "l’organisation d’un débat démocratique ouvert et transparent sur la stratégie d’endettement de la France à moyen terme, et définir des signaux d’alerte (taux d’intérêt, croissance) qui nécessiteraient un nouveau débat au Parlement".

La pandémie a donné lieu à des joutes entre experts et économistes à travers des tribunes et entretiens dans la presse pendant plusieurs mois sans vraiment aboutir à de véritables débats dans l’opinion publique. A cela s’ajoute la verticalité du pouvoir conférée par la constitution de la Vème République et régulièrement critiquée par les détracteurs d’Emmanuel Macron.

Interrogés par La Tribune sur les modalités d’organisation d’un tel débat, les deux rapporteurs sont restés relativement flous.

"L’idée serait d’associer le parlement. Cette dette est en dehors des débats parlementaires. J’ai le sentiment que les parlementaires sont dépossédés de toutes ces questions sur la dette" a répondu Eric Bocquet. Il ajoute "qu’il ne faut pas avoir peur de décliner ce débat dans les territoires. Ce n’est pas qu’un sujet technique. 81% de nos concitoyens considèrent que c’est un sujet important. C’est une façon de redonner confiance à nos concitoyens dans la politique au sens large".

De son côté, Sylvie Vermeillet se veut rassurante. "Il s’agit d’éviter une anxiété non nécessaire. Il y a plein de raisons de ne pas être anxieux par rapport à la dette."

Les deux élus du Sénat proposent également de faire un état de lieux des actifs matériels et immatériels de la France qui peuvent être mis en regard de la dette, mettre en place de nouveaux outils de suivi des détenteurs de la dette publique, résidents et non-résidents.

Trois scénarios

Les rapporteurs ont planché sur trois scénarios relatifs à l’avenir des dettes publiques. Dans leur premier scénario "espéré", ils tablent sur une stabilisation du ratio de dette publique sur PIB.

"Grâce à une croissance forte, des taux d’intérêt faibles et une maîtrise des comptes publics, il permet une réduction progressive du taux d’endettement public, indolore économiquement et socialement, il renforce par la preuve la confiance des partenaires européens de la France et des marchés, et auto-entretient la facilité à emprunter pour faire rouler la dette", expliquent-ils.

Cette vision se rapproche de certains principes du gouvernement attaché à la maîtrise des dépenses publiques rappelée par les ministres de Bercy lors de la présentation du budget 2022 en septembre.
Le second scénario s’attache à décrire une situation "redoutée" avec une perte de confiance des marchés et l’implosion de la solidarité en Europe. La crise des dettes souveraines en zone euro en 2012 et la situation dramatique de la Grèce avait illustré les failles de cette solidarité apparente en Europe. Ce scénario catastrophe passerait par "une remontée durable des taux d’intérêt en lien avec des fortes poussées inflationnistes, une croissance économique en berne, un équilibre des comptes publics de plus en plus dégradé".

Enfin dans un scénario "rêvé", ils font le pari d’une dette "vertueuse", "qui permet de constituer un patrimoine collectif, de financer des dépenses collectives d’avenir, de réduire des déséquilibres autres que financiers, notamment sociaux ou environnementaux".

A cinq mois de l’élection présidentielle française, cet exercice de prospective ne manquera pas de faire débat.


Public Sénat, le 11 novembre 2021

Dette publique : « Il est faux de dire qu’on endette les générations futures », estime Éric Bocquet

Par Héléna Berkaoui

Alors que la crise sanitaire a provoqué une hausse inédite de la dette, il est temps de sortir des discours catastrophistes et de redéfinir les termes du débat, estime-t-on au Sénat. C’est la conclusion d’un rapport sur l’avenir de la dette publique présenté par la sénatrice centriste, Sophie Vermeillet, et le sénateur communiste, Éric Bocquet, mercredi 10 novembre.

« Ne pas réduire nos dépenses courantes et notre dette serait irresponsable pour les générations à venir », écrivait le candidat Emmanuel Macron dans son programme présidentiel. Un argument très couramment avancé pour justifier la nécessité de réduire la dette publique et justifier les coupes budgétaires dans les finances publiques.

Si le sujet n’est neuf, la crise sanitaire est venue bousculer encore le débat sur la dette publique. Dernièrement, c’est le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, qui se prononçait contre l’effacement de la dette arguant qu’il n’existe pas « d’argent magique ».

Au Sénat, la délégation à la prospective s’est plongée dans le sujet, explorant même jusqu’aux racines de la dette depuis l’antiquité. « La question de la dette est un sujet politique au sens le plus noble du terme », pose le communiste Éric Bocquet, corédacteur du rapport sur l’avenir de la dette publique. Avec sa collègue centriste, Sylvie Vermeillet, il a cherché à sortir le sujet du seul domaine technique afin d’en faire « un sujet de débat de public ». Un rapport qui tombe à pic à l’approche de l’examen du budget au Sénat et de l’élection présidentielle.

Dette publique : « Il faut en faire un sujet de débat public »

Si la situation d’endettement du pays a beau être historiquement élevée, le coût de la dette s’avère, lui, historiquement bas. « Ce qui est saisissant, c’est le paradoxe hallucinant entre le discours anxiogène qui est entretenu et l’extrême quiétude des marchés financiers qui n’hésitent pas à prêter de l’argent y compris à taux négatif sur des courts termes », observe Éric Bocquet.

Un paradoxe qui peut s’expliquer par une vision de la dette chargée d’une culpabilisation morale. Comme le rappelle les auteurs du rapport, « l’endettement, tant individuel que public, est le plus souvent considéré de manière négative » d’un point de vue religieux, moral ou philosophique. En allemand, le terme schuld signifie « aussi bien la dette matérielle que la faute morale ».

Et les débats autour de la dette publique sont souvent empreints de cette charge morale. L’argument du Président de la République voulant qu’une maîtrise de la dette soit indispensable au risque de faire payer les générations futures en est un exemple. Mais pour le sénateur communiste, « il est faux de dire qu’on endette les générations futures ».

« Il faut sortir de ce discours anxiogène et culpabilisant »

« La maturité de la dette, à supposer qu’on arrête d’emprunter aujourd’hui, est de 8 ans et 7 mois. C’est vous et moi qui allons rembourser la dette telle qu’elle existe aujourd’hui. Il faut sortir de ce discours anxiogène et culpabilisant. Il faut déconstruire ça », appelle Éric Bocquet.

Autre preuve que le débat sur le débat est biaisé, selon le sénateur : les comparaisons simplistes entre l’endettement d’un ménage et celui d’un Etat. « Le dernier budget équilibré de la France remonte à 1974. Quand un particulier ramène ça à sa situation, il ne peut vivre pendant 47 ans à découvert. La situation de l’Etat est différente et n’a rien à voir avec un ménage », souligne le sénateur du Nord.

« Il faut avoir pleine connaissance des éléments qui constituent la dette »

Penser la dette publique en d’autres termes, ne signifie pas que des problèmes ne persistent dans sa gestion. La sénatrice centriste Sylvie Vermeillet croit qu’une question fondamentale doit être posée : Qui détient notre dette ? « L’Agence France Trésor nous explique que 49,5 % de notre dette est détenue par des non-résidents étrangers, principalement ce sont des banques centrales », indique la sénatrice du Jura (voir la vidéo ci-dessus). Une question essentielle qui doit encore se recentrer sur le : qui détient notre patrimoine ?

A titre d’exemple, au Japon, la dette publique atteint aujourd’hui 260 % du PIB mais cette dette est détenue par l’Etat et même par des citoyens japonais. Dans leur rapport, les sénateurs proposent en conséquence de construire de nouveaux outils de suivi des détenteurs de la dette publique. Si ce rapport ne préconise pas de remèdes miracles, ils entendent poser des pistes de réflexion et préparer le terrain à un débat éclairé.

Une gageure tant les positions divergent, y compris chez les économistes. Certains se positionnent pour un effacement partiel de la dette, comme Thomas Piketty qui, avec une centaine de ses confrères, signaient une tribune pour annuler la dette des Etats détenue par la BCE. D’autres considèrent que c’est une hérésie. Le débat doit donc avoir lieu. Reste à savoir si le climat de l’élection présidentielle sera propice à un tel débat.


L’Humanité, le 16 novembre 2021

Éric Bocquet : « Il est possible d’annuler une dette »

Par Aurélien Soucheyre

Auteur d’un rapport au Sénat sur l’avenir des dettes publiques, le sénateur PCF du Nord estime qu’il faut démystifier la dette et se donner les moyens d’en bâtir une vertueuse. Entretien.

Le montant de la dette française, de 2 740 milliards d’euros, ne vous effraie pas ?
ÉRIC BOCQUET Fin 2019, alors que nous approchions des 100 % de dette sur PIB, cette barre symbolique était présentée comme apocalyptique. Six mois plus tard, avec la crise du Covid, nous étions à 120 % sans que les marchés financiers ne s’en émeuvent. La France n’a aucune difficulté à se financer et les banques font la queue pour lui prêter de l’argent. Il y a donc un paradoxe absolu entre le discours catastrophiste du gouvernement et la grande quiétude des marchés. La France sait très bien faire rouler sa dette et n’a pas fait défaut depuis 1797, lorsque le Directoire a décidé d’en supprimer les deux tiers. Depuis, elle paie rubis sur l’ongle.

Il est donc possible d’annuler une dette ?
ÉRIC BOCQUET Absolument. L’Allemagne en février 1953 a bénéficié d’une réduction de 60 % de sa dette. Nous étions en pleine guerre froide, huit ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cet abandon, couplé au plan Marshall, lui a permis de redevenir la première puissance économique de l’Europe en quelques années. C’était une situation exceptionnelle, mais qui peut dire qu’elle ne l’est pas aujourd’hui, face à l’urgence climatique et sociale ?

Qui détient la dette de la France ?
ÉRIC BOCQUET C’est une grande question ! À part les 25 % détenus par la Banque centrale européenne (BCE), l’Agence France Trésor nous répond que nous sommes incapables de savoir qui détient nos titres, car ils s’échangent trop vite sur les circuits financiers. C’est pourtant fondamental. Tout comme de rappeler que, si nous arrêtions d’emprunter aux marchés financiers aujourd’hui, la totalité de la dette française serait remboursée en seulement huit ans et sept mois.

C’est très court, surtout pour un État…
ÉRIC BOCQUET Ce n’est même pas la durée d’une demi-génération ! C’est bien la preuve qu’il faut faire la lumière sur la dette et la démystifier à travers un grand débat public, pour pouvoir décider de la meilleure marche à suivre. Est-ce que cela a du sens de calculer notre ratio entre, d’un côté, notre dette totale et, de l’autre, notre produit intérieur brut annuel ? J’indique d’ailleurs qu’avec la dette, on parle toujours du passif de l’État. Mais jamais de son actif ! Il y en a pourtant avec nos écoles, nos hôpitaux, notre réseau ­ferroviaire… Cet actif serait de 6 000 milliards d’euros. Cela relativise le poids de la dette !

Comment est née cette dette ?
ÉRIC BOCQUET Des allégements d’impôts considérables ont été consentis aux plus riches, aux grandes entreprises et au capital. Cela représente des centaines et des centaines de milliards d’euros… Tellement que le budget de la France est aujourd’hui financé moitié par l’impôt, moitié par la dette. La finance est gagnante deux fois : elle paie moins d’impôts et nous lui achetons de la dette ! Il y a aussi l’interdiction faite à la BCE de financer les États. Auparavant, c’est la Banque de France qui finançait l’État, et les Français pouvaient souscrire à des bons du Trésor. Les États-Unis ou le Japon fonctionnent toujours de la sorte.

Y a-t-il une part illégitime de dette ?
ÉRIC BOCQUET En 2008, les États ont volé au secours des banques et leurs dettes ont alors augmenté. Est-ce que pour autant les banques ont changé de comportement ? Il faut donc organiser un grand audit démocratique de la dette. D’autant plus qu’elle est instrumentalisée pour détricoter notre modèle social et justifier les plans de privatisation les plus fumeux. Il faut aussi savoir que nous versons chaque année 40 milliards d’euros d’intérêts de dette aux marchés, soit notre troisième poste de dépenses, derrière l’éducation et la défense. Et il y a enfin la fraude fiscale, qui est chaque année supérieure à notre déficit structurel. Cherchez l’erreur…

Quelles solutions préconisez-vous ?
ÉRIC BOCQUET L’épargne globale des Français est à ce jour de 5 600 milliards d’euros. Pourquoi ne pas imaginer que cette épargne réelle serve à financer les investissements de demain, plutôt que d’être à la merci des marchés financiers ? Pourquoi ne pas revoir le rôle de la BCE et lui permettre de prêter aux États ? Pourquoi ne pas supprimer les 3 000 milliards d’euros de dette d’États européens qu’elle détient, comme l’ont proposé 150 économistes ? Le paradoxe actuel, c’est que la dette augmente mais les taux d’intérêt baissent : plus on emprunte, moins on paie. Face au défi climatique, il faut des moyens colossaux.

Pourquoi ne pas emprunter pour investir massivement dans l’économie réelle, dans l’isolation thermique qui permet de réaliser des économies d’énergie, mais aussi de créer de l’emploi, de la croissance, et alimenter le budget de l’État ? Il est grand temps de créer une dette vertueuse. L’austérité ne fonctionne pas : la purge infligée à la Grèce n’a eu pour effet que d’augmenter sa dette sur PIB et d’affaiblir ce pays avec les conséquences sociales catastrophiques que l’on sait.

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