Madame la Présidente,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,
La France fonctionne. Oui, l’État sait lever l’impôt. Oui, la signature de la France, de ce simple fait, demeure solide. Ce constat, en apparence ordinaire, mérite pourtant d’être réaffirmé avec force tant certains s’époumonent pour annoncer une catastrophe de l’endettement. Certes, le pilotage des finances publiques exige sérieux et lucidité, et, disons-le franchement, ces vertus ont cruellement fait défaut ces dernières années.
Était-il et est-il lucide de couper dans les budgets des collectivités ? lucide de couper dans les dépenses d’éducation ? Lucide de couper dans les dépenses de santé. Vous le savez, notre réponse fut, ici, non, trois fois non.
De la même manière était-il sérieux de comparer comme l’a fait le Premier ministre ce mardi la dette de l’État à la dette d’un ménage ? Non plus. L’État ne se limite pas à consommer ou à épargner. Il produit des infrastructures, des services, des emplois ; il agit directement sur la circulation du capital. Pour l’État, s’endetter, c’est investir, créer des richesses futures, organiser la société.
Le véritable problème, mes chers collègues, n’est pas tant le niveau de la dette que ses
causes : l’effondrement des recettes fiscales, savamment orchestré par des exonérations injustifiées et une fiscalité toujours plus avantageuse pour les plus riches et les grandes entreprises. Oui, il faudra s’attaquer aux racines de ce problème : restaurer une progressivité fiscale pérenne, cesser cet « assistanat du capital » qui se fait au détriment de l’État actionnaire et, surtout, redonner à l’État stratège les moyens d’agir dans les secteurs clés de notre économie avec un regard particulier sur les Outre-mer.
En métropole, prenons l’exemple de la filière automobile. Dans mon département du Nord, terre industrielle par excellence, trois grands constructeurs mondiaux – Toyota, Renault et Stellantis – se partagent sept sites de production, soutenus par plus de 550 fournisseurs et sous-traitants. Certaines grandes entreprises de ce tissu industriel dense est aujourd’hui fragilisé par les stratégies des grands groupes : délocalisations, pressions sur les coûts, recherche effrénée de marges toujours plus élevées. Résultat : ce pilier de notre économie vacille, et des milliers d’emplois sont en danger.
Ce recul de la puissance publique n’est pas sans rappeler d’autres dépendances. Aujourd’hui, plus de la moitié de la dette est détenue à l’étranger. Demain la charge de cette dette pourrait atteindre 7% du budget de l’État.
Pourquoi ne pas reprendre le contrôle sur la structure de notre dette ? La question du circuit du Trésor, abandonné au fil des décennies, doit redevenir centrale dans nos débats.
Il existe des solutions. La réactivation des planchers des bons du Trésor en est une, c’est-à-dire obliger les banques à détenir un minimum de titres de dette publique.
Je conclurai sur un point qui lie instabilité économique et instabilité démocratique. En reprenant ce PLF comme si de rien n’était, vous alimentez ces deux crises. Nos collègues députés n’ont pas censuré l’Hydre de Lerne, ce monstre mythologique dont les têtes repoussent sans cesse. Non, ils ont censuré une politique : une trajectoire budgétaire incohérente et injuste pour le monde du travail, que vous persistez à maintenir, envers et contre tout. Nous sommes passés du « quoi qu’il en coûte » au « quoi qu’il advienne du vote des Français ».
Je vous remercie.