À la tribune

Proposition de loi : Réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple »

Réhabiliter les fusillés pour l’exemple : un acte de réconciliation entre la Nation et les familles de ces hommes morts pour la France

Michelle Gréaume s’exprimait ce jeudi 2 février 2023 dans l’hémicycle au nom des sénateurs CRCE dans la discussion générale sur la proposition de loi "Réhabiliter les militaires "fusillés pour l’exemple" ".

En effet, durant la Première Guerre Mondiale, des militaires en service dans les armées françaises du 2 août 1914 au 11 novembre 1918 ont été condamnés à mort pour désobéissance militaire ou mutilation volontaire par les conseils de guerre spéciaux.

La proposition de loi vise à permettre leur réhabilitation générale et collective, civique et morale. La Nation reconnaît que ces soldats ont été victimes d’une justice expéditive, instrument d’une politique répressive, qui ne respectait pas les droits de la défense et ne prenait pas en compte le contexte de brutalisation extrême auquel les soldats étaient soumis.

Lire le texte intégral de l’intervention

Monsieur le Ministre,
Monsieur le président,
Mes chers collègues,

Dans un monde en feu, où les grandes puissances se sont affrontées pour le partage des marchés et des ressources, pour la reconquête de colonies, pour la restructuration de leurs sphères d’influence ; la guerre de 14-18 fut une accumulation d’horreurs pour les soldats comme pour les civils.

Durant ce conflit, des soldats, français et immigrés, furent exécutés dans le cadre de conseils de guerre improvisés, pour cause d’indiscipline militaire : refus d’obéissance, abandon de postes, désertion à l’ennemi ; tandis que d’autres furent abattus au détour d’une tranchée par un officier, à bout portant, soit pour rébellion, soit - et je tiens à le rappeler avec émotion - pour appartenance connue à des organisations ouvrières militant contre la guerre.

La réhabilitation des fusillés pour l’exemple nous tient à cœur et j’en profite pour rendre hommage à notre ancien collègue Guy Fischer, qui avait porté avec brio cette question dans l’hémicycle. Notre groupe avait déposé en 2013 une proposition de loi visant à répondre à la demande juridique et mémorielle au sujet de la réhabilitation. Celle-ci reposait sur une approche globale, car nous considérions qu’il n’était pas possible de faire le tri, plus de cent ans après, entre les soldats fusillés à tort, victimes de condamnations arbitraires ou abusives, et ceux dont l’exécution aurait été justifiée.

Le parti pris du texte qui nous est présenté aujourd’hui est différent. C’est un regret. Il nous semble toutefois essentiel de soutenir le principe qui l’anime, à savoir la réhabilitation d’hommes exécutés pour indiscipline lors de la Grande Guerre.

Conscients également que ce sujet reste encore sensible, nous avons fait le choix, dans un esprit de conciliation positive, de ne pas amender ce texte.

Car cette réhabilitation, un siècle plus tard, est toujours sujette à controverses.
Déjà, parce qu’elle touche à des destins individuels poignants, à l’instar du sous-lieutenant Chapelant, fusillé attaché sur son brancard ou encore celui du soldat Lucien Bersot, condamné puis exécuté pour avoir refusé de porter le pantalon taché de sang d’un frère d’armes. Je profite de ces exemples pour saluer le travail et l’engagement des associations dans leur combat pour la réhabilitation des fusillés comme l’Association républicaine des anciens combattants, le Mouvement de la paix ou encore l’Union pacifiste de France.

Le sujet divise également les tenants d’une discipline garante de l’intégrité nationale, justifiant une sévérité exemplaire ainsi que l’absence d’une quelconque remise en question de celle-ci, et ceux défendant une lecture humaniste qui considèrent que ces soldats n’étaient ni des lâches, ni des traitres mais des hommes qui avaient fait leur devoir, usés par la guerre et la violence des combats. Et qui ne méritaient certainement pas la mort.

L’indignité dont ils sont encore aujourd’hui frappés doit être lavée. En tant que communiste et républicaine, je suis absolument convaincue que l’adoption de ce texte serait un acte de fraternité pour la mémoire de ces hommes qui furent jetés dans l’arène meurtrière des tranchées et qui furent vaincus par l’épuisement.

Certains collègues nous ont dit vouloir des réhabilitations individuelles plutôt qu’une réhabilitation collective. Pourtant, les historiens sont unanimes, cela n’est pas possible. Avec près de 20% des dossiers disparus, l’impossibilité d’enquêter en l’absence de témoins encore vivants…, accéder à une telle demande reviendrait à repousser toute réhabilitation.

D’autres de nos collègues s’inquiètent du caractère déchirant et clivant de la réhabilitation collective au sein de notre pays. Pourtant, le cas d’espèce de la Mairie de Chauny qui a fait le choix de construire un monument en hommage aux fusillés n’a pas suscité d’opposition ou de polémique.

Ainsi, il apparait que l’adoption de ce texte, reposant sur le travail des historiens, serait au contraire un acte de réconciliation entre la Nation et les familles de ces hommes morts pour la France. Un acte de réconciliation qui permettrait de fermer définitivement cette cicatrice.

Quelques soient les travées sur lesquelles vous siégez, mes chers collègues, je sais que vous êtes épris de justice et de vérité historique et c’est en ce sens que je vous appelle à faire en sorte que ces martyrs de 14-18 retrouvent leur honneur et leur dignité.

Le groupe CRCE votera pour ce texte.

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