Pour le Groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste, c’est Michelle Gréaume qui a prononcé l’intervention générale.
Lire le texte de l’intervention générale
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président de la Commission Défense et Affaires Étrangères,
Monsieur le Rapporteur,
Chers collègues,
Cette proposition de loi nous permet, comme trop rarement, de débattre du réseau de l’enseignement du français à l’étranger.
Dans le fond, elle tente de répondre à deux enjeux majeurs.
Le premier, est celui de la gouvernance. Le réseau connaît une externalisation croissante. Ainsi, sur le quinquennat, si on dénombre 53 établissements de plus, ceux en gestion directe diminuent.
L’autre sujet d’inquiétude, lié par ailleurs à l’importance prise par les établissements partenaires, est l’augmentation des frais imposés aux familles. Ainsi, on parle en cumulé d’1,5 milliard d’euros de frais de scolarité contre une subvention de 417 millions d’euros au réseau, avec des taux de prise en charge par les familles supérieurs dans les établissements en gestion indirecte.
Comment, dans cette optique et malgré les aides à la scolarisation, espérer démocratiser l’accès à l’enseignement français à l’étranger ? D’ailleurs, si on peut se réjouir que les établissements accueillent une plus grande part d’élèves étrangers, certains parents craignent que l’AEFE devienne de plus en plus une « machine à exclure » les élèves français, qui représentent aujourd’hui 37 % des effectifs.
Au vu de ce contexte, la proposition de doubler la présence des représentants des familles au sein du conseil d’administration de l’AEFE est une bonne chose. Avec la réserve toutefois qu’elle risque de restreindre la représentation des personnels, alors même que leur situation mériterait d’être examinée de près et améliorée.
A ce titre, deux éléments me viennent en tête. Tout d’abord, l’augmentation massive et continue du nombre de personnels recrutés en contrat locaux, bien moins protecteurs. Je m’interroge ensuite sur le choix fait par le réseau de refuser le versement de la prime informatique à ces personnels de droit locaux, alors qu’ils ont été tout aussi sollicités que leurs collègues durant la pandémie.
Dernière interrogation pour en terminer avec la gouvernance, sur la pertinence d’intégrer, au sein du conseil d’administration, un collège d’anciens élèves à ce seul motif. On a vu apparaître depuis plusieurs années maintenant, des « réseaux des anciens », des Alumni et autres associations. Si ces dispositions, mis en place par des anciens élèves ou les établissements eux-mêmes ont un intérêt certain, sont-ils pour autant légitimes à participer à la gouvernance des établissements ? Peut-on imaginer que dans chaque conseil d’administration des collèges, lycées et universités, siègeraient des élus supplémentaires dont la seule qualité est d’avoir fréquenté l’établissement ?
Venons-en à la question des instituts régionaux de formation. Depuis le 1er janvier, 16 d’entre eux ont été créés dans l’optique de renforcer la formation des personnels des établissements. C’est une mesure utile dans le contexte de l’augmentation espérée du nombre d’élèves. Tout comme la proposition qui nous est faite d’en confier la gestion à l’AEFE.
Cela étant je souhaite me faire une nouvelle fois l’écho des interrogations des familles, en souhaitant que notre collègue, autrice de la proposition de loi, pourra y répondre et apporter toutes les précisions utiles.
Quel sera le financement de ces instituts régionaux de formation ?
Quelles conséquences éventuelles sur les frais d’écolage, déjà très élevés ?
Y aura-t-il des conséquences sur le recrutement des personnels ? Notamment, faut-il s’attendre à une mutation des fonctionnaires expatriés pour de nouvelles vagues de recrutements de droit local ?
Y aura t’il aussi des conséquences sur le déploiement des personnels en place ou pouvons-nous espérer un remplacement systématique des enseignants partis former ou se former ?
Enfin quelle sera la place des investisseurs privés dans le processus ? Et faut-il voir une espèce de privatisation, déjà engagée par ailleurs, du réseau ?
Toutes ces questions, sans remettre en cause le bienfondé de l’idée même des instituts régionaux de formation, interroge. Et tout en gardant en tête toutes ces réserves, notre groupe soutiendra la proposition de loi.
Elle a ensuite conclu les débats avec l’explication du vote des sénatrices et sénateurs CRCE sur cette proposition de loi.
Lire le texte de l’explication de vote
Malgré les limites que j’ai évoquées dans mon intervention générale, notre groupe votera ce texte, qui apporte quelques avancées au fonctionnement de l’AEFE.
Toutefois, il me semble que nous sommes face à une proposition de loi qui reste à l’écume des choses, et que nous devrons nous réinterroger sur l’ambition que nous avons pour le réseau, les moyens que nous sommes prêts à y consacrer.
De fait, nous avons un équilibre subtile à trouver. D’un côté il me semble que l’AEFE devrait permettre d’offrir un service public de l’éducation à l’ensemble des enfants des familles françaises expatriées ; de l’autre, le réseau doit aussi permettre de participer pleinement à la scolarisation des enfants étrangers, notamment dans les zones géographiques où l’état des services publics est désastreux. Car si l’AEFE ne fait pas à proprement parler partie des opérateurs de l’aide publique au développement, il peut y contribuer fortement de par son domaine d’action, son expérience, son déploiement et son expertise.
A ce titre, et alors qu’on commence à peine à mesurer l’ampleur du désastre qu’a été l’option militaire au Sahel, et malgré la montée en puissance de l’aide publique au développement, un renforcement de notre réseau éducatif et culturel à l’étranger est nécessaire. Au vu de cet objectif, la proposition de loi est clairement sous-dimensionnée.
On apprécie l’augmentation de la place des familles dans la gouvernance, alors qu’elles financent la majeure partie du réseau. Mais c’est même ce modèle qu’il faudrait interroger, pour justement démocratiser l’accès au réseau AEFE et en faire un outil de rayonnement et de diffusion du modèle éducatif français.
Je suis d’ailleurs assez sceptique, et j’en terminerai par-là, par la volonté affichée de ne pas renforcer la logique partenariale entre l’AEFE et les systèmes éducatifs étrangers, en atteste les débats que nous avons eus sur le périmètre des instituts régionaux de formation.
C’est donc avec quelques réserves et une volonté d’aller plus loin que nous voterons ce texte. Merci.