À la tribune

Proposition de loi "Sécurité des élus locaux et protection des maires"

Nos élus locaux ne peuvent pas être les urgentistes de la République, ne les laissons pas seuls

Jeudi 14 mars 2024, le Sénat a examiné la proposition de loi "Sécurité des élus locaux et protection des maires".

Eric Bocquet est intervenu au nom du groupe CRCE-K en soulignant qu’au-delà de la réaction immédiate à une série d’agressions visant des élus locaux, l’État doit jouer son rôle en donnant les moyens nécessaires aux collectivités territoriales afin qu’elles puissent répondre aux besoins des populations.

Lire le texte de l’intervention d’Eric Bocquet

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Président de la Commission,
Chers collègues rapporteurs,
Mes cher.e.s collègues,

Le 21 décembre dernier, à la vue du mot de « Maire » inscrit sur l’insigne bleu, blanc, rouge, accroché au revers de la veste d’André Mondange, un groupe d’extrême droite a agressé violemment le maire du Péage-de-Roussillon ainsi que sa famille.

L’image de son visage tuméfié témoigne de la violence de ses agresseurs. La suspicion que ce maire puisse être de gauche suffisait pour expliquer cet acte immonde et tenir des propos racistes, mais ceci concerne tous les maires, quelle que soit leur tendance.

Malheureusement, des cas similaires sont nombreux sur tout le territoire français, et je voudrais ici rendre hommage aux très nombreux élus malheureusement touchés par ce fléau.

En 2022, quelque 2 265 plaintes et signalements pour violence verbale ou physique contre des élus ont été recensés par le ministère de l’Intérieur. Par rapport à 2021, c’est une hausse de 32 % !

Et ces agressions ne se limitent pas aux élus, elles touchent aussi leurs familles, comme je l’ai dit. En 2020, le fils de 14 ans de la maire de Chevilly, Mme Stéphanie Daumin, a été agressé. Et cela, un mois après que sa voiture ait subi des dégâts et que son domicile ait été visé par des tirs de mortier… Ces faits ne sont malheureusement pas un cas isolé. Nous pouvons évoquer ici le cas récent de notre collègue François Patriat. Je voulais m’associer moi aussi Mme la Ministre à ce salut particulier à notre collègue, dont le domicile a subi des dégradations, c’est totalement inacceptable. Ou encore celui, vous me permettrez de citer le cas d’un maire du Nord, M. Jacques Montois, Maire de Hantay, commune rurale du Nord, qui a fait l’objet, il y a quelques semaines, de menaces de mort.

Ce sont pourtant aujourd’hui en France plus de 520 000 élus locaux engagés au quotidien sur les valeurs de la République dans l’ensemble des 35 000 communes de France.

Il est de notre devoir de protéger les représentants de la démocratie locale et d’éviter à la République de se voir ainsi affaiblie.

D’autant que dans ce climat violent, la crise des engagements s’installe.
En 2023, à mi-mandat, plus de 3 % de l’effectif total des maires élus en 2020 avait déjà choisi de démissionner volontairement.
Et si les violences subies par les élus ne sont pas l’unique raison de ce désengagement, bien sûr, nous partageons le constat, mes cher.e.s collègues : ces violences ne peuvent qu’aggraver la chute des vocations.

La proposition de loi répond à ce besoin en renforçant le volet répressif afin de mieux protéger nos élus et en visant à améliorer leur prise en charge lorsqu’ils sont victimes de violences.

Toutefois, elle devra, selon nous, aussi s’accompagner d’un réel réinvestissement de l’État sur l’ensemble du territoire français.

Depuis près de 10 ans, les dotations versées aux communes par l’État n’ont cessé de baisser, alors que le transfert des charges augmente : suppressions de la taxe d’habitation ou de la CVAE n’ont fait qu’aggraver la situation financière des communes et ainsi leurs capacités à répondre aux besoins de leurs habitants, ce qui peut aussi nourrir l’accroissement d’une certaine défiance.

La perte d’autonomie fiscale et financière des collectivités affaiblit le pouvoir d’action des élus locaux. Ils sont de plus en plus sollicités, et se retrouvent dans l’incapacité de répondre à tous les besoins de leur population.

Pourtant, ils deviennent l’unique interlocuteur de nombreux citoyens !

Il convient donc de protéger les élus dans l’exercice de leur mandat et de veiller en même temps à garantir aux collectivités leurs moyens d’agir.

Si cette proposition de loi et l’accord trouvé sur ce texte permettent de répondre à un besoin urgent de sécurité pour nos élus, il nous faudra aussi accepter l’idée que l’échelon communal est essentiel pour l’équilibre de notre République.

Nos premiers travaux sur la construction d’un statut de l’élu local sont primordiaux, et s’inscrivent dans notre souhait commun de permettre aux élus d’exercer leur mandat dans les meilleures conditions possibles.

En effet, une réponse répressive ne suffira pas, nous devons réinvestir tous les territoires de la République par des services publics fonctionnels et accessibles à tous. Nos élus locaux ne peuvent pas être simplement les urgentistes de la République, ne les laissons pas seuls face aux grands besoins de notre temps.
Je vous remercie.

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