À la tribune

Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Michelle Gréaume porte le projet de loi sur la réforme de la formation des élus locaux pour le groupe CRCE

Le Sénat entamait ce jeudi 8 avril 2021 les débats sur le projet de loi relatif à la réforme de la formation des élus locaux.

Michelle Gréaume, Vice-Présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, s’exprimait au nom du groupe CRCE

Michelle Gréaume a d’abord prononcé l’intervention générale, donnant l’avis et l’orientation de vote du groupe CRCE sur ce texte :

Lire le texte de l’intervention

Monsieur le président,
Madame la ministre,
Mes chers collègues,

Depuis l’examen de la loi “Engagement et proximité”, nous avons laissé sur un coin de la table la réforme de la formation des élus. Nous nous retrouvons aujourd’hui autour de ces ordonnances, dont les objectifs initialement fixés étaient assez ambitieux.

Le résultat du travail à huis-clos du Gouvernement, méthode que nous ne cessons de dénoncer, est néanmoins décevant et risque fort de laisser les élus sur leur faim.

Face aux dysfonctionnements des dispositifs de formation actuels, des réponses fortes étaient attendues. Si nous approuvons plusieurs mesures, nous estimons qu’elles sont insuffisantes, voire qu’elles participent à la confusion.

Le travail en commission, avec l’adoption notamment de certains de nos amendements, améliore le texte.
En préservant des garanties quant aux droits des élus, comme leur cumulabilité, et en leur donnant une meilleure visibilité et transparence, ou encore en renforçant les obligations des organismes de formations ajoutées par les ordonnances.

Cela étant dit, rendre possible des abondements de la part des collectivités ou des élus eux-mêmes pour renflouer le gouffre financier du fonds pour le droit individuel à la formation des élus ne freine pas les inquiétudes. Comment des communes qui ne respectent pas déjà leur obligation légale de financer la formation de leurs élus pourraient en plus financer le DIFE ? Cela ouvre la voie aux inégalités entre les collectivités qui en seront capables, et celles qui ne le pourront pas, et donc aux inégalités entre élus.

Le principe d’équilibre financier du DIFE, ici inscrit, ne pourra être respecté sans moyens nouveaux. Alors qu’aujourd’hui, moins de 3% des élus bénéficient du DIFE, la situation est déjà déficitaire. Qu’en sera-t-il demain ?

La gestion en euros, et non plus en heures, permettra de limiter les abus des organismes. Mais les élus craignent que les nouvelles règles aient un impact négatif sur leurs droits et sur le montant de leur cotisation. La rémunération que s’accorde la Caisse des dépôts pour gérer le DIFE, à hauteur de 25% de l’enveloppe du fond, va-t-elle être, elle, revue à la baisse, malgré la création de la plateforme numérique ?
Si les ordonnances ne suscitent pas d’avis défavorable, elles soulèvent des interrogations.

Depuis la loi de 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, les compétences des collectivités ont gagné en technicité. C’est pourquoi nous souhaitons réaffirmer le droit à la formation des élus, créé par cette loi, et nous déplorons que le financement de ce dispositif par les collectivités, qui sont tenues par la loi d’y consacrer entre 2% et 20% des indemnités des élus, soit sous-exécuté. Le non-respect de cette obligation touche inégalement les collectivités.

Les communes sont principalement concernées, et plus d’une sur deux n’ont engagé aucune dépense de formation en 2018. Mais celles de plus de 200 000 habitants y consacrent 1,9% des indemnités, contre 0,4% dans celles de moins de 500 habitants. Le coût de la formation pour ces petites communes peut s’avérer prohibitif, et très souvent les élus ne souhaitent pas faire passer leur propre formation avant d’autres priorités d’intérêt général. Pourtant les besoins en formation sont forts, là plus qu’ailleurs, dans ces petites communes et communes rurales déjà pénalisées par l’insuffisance ou l’absence de services d’ingénierie.

Cette problématique est ignorée par le texte, nous avons donc proposé de réparer cet oubli.
En 2015, nous avons créé un second dispositif, le DIFE, financé par une cotisation obligatoire de 1% des indemnités des élus. Cette voie indépendante de la collectivité permet aux élus de recevoir également des formations sans lien avec leur fonction, et donc de favoriser leur réinsertion professionnelle.

Ces deux dispositifs se complètent et sont nécessaires pour démocratiser la fonction d’élu. Sa complexité croissante peut freiner les citoyens à s’engager, d’où la nécessité que les élus soient formés afin de ne pas réserver l’élection aux « élites » et technocrates. A côté, la réinsertion professionnelle anticipe « l’après-mandat » et doit permettre un brassage des représentants politiques.

Nous constatons un déséquilibre entre les deux types de formations permises par ces dispositifs : celles liées à la reconversion professionnelle sont très peu utilisées et ne représentent que 3% des demandes au titre du DIFE. Cette tendance est dommageable pour les élus, et pour la démocratie.

En l’état, le texte n’est pas pour nous à la hauteur de ces ambitions, qui auraient mérité un travail incluant davantage le Parlement. Notre groupe préfère donc s’abstenir.


Elle est ensuite intervenue avant le vote sur l’article 1er, pour regretter la confusion, entretenue par le Gouvernement, sur les deux dispositifs finançant la formation des élus locaux.

Lire le texte de l’intervention

Merci Monsieur le Président.

La confusion entre les deux dispositifs est entretenue dans les ordonnances, ce qui ne contribue pas à une amélioration de ses difficultés. D’où notre volonté de réaffirmer le financement lié à la loi de 1992, à côté du renforcement du DIFE, et du rôle du Conseil National de formation des élus locaux.

Nous reviendrons à ce sujet par nos amendements mais les propositions du Gouvernement impliquent d’être encadrées par des garanties. Nous ne comprenons pas que notre amendement visant seulement à consacrer les deux voies de formation ait été déclaré irrecevable, alors qu’il ne créé pas de nouvelles charges. Je voulais rajouter ça. Merci.


Michelle Gréaume a ensuite défendu l’amendement 4 sur les articles additionnels après l’article 1er, qu’elle a finalement retiré, qui concerne les modalités financières de la mutualisation des moyens de formation entre les communes et les EPCI.

Lire la défense de l’amendement 4

Le Gouvernement propose dans ces ordonnances de favoriser la mutualisation du droit à la formation des conseils municipaux au niveau des intercommunalités.

Plus précisément, l’article 7 de l’ordonnance renforce les possibilités et obligations de délibération des EPCI sur l’exercice du droit à la formation.

Tout cela dans le but d’encourager la mise en commun d’orientation, d’outils, et la participation financière à ces formations liées à l’exercice du mandat.

Face aux difficultés que rencontrent de nombreuses communes pour répondre à leur obligation relatives au droit à la formation des élus, la mutualisation peut être une solution, notamment d’un point de vue financier.

Rappelons que dans une commune de moins de 2 000 habitants, la dépense moyenne par élu n’atteint que 9€ par an, contre 376€ dans une commune de plus de 100 000 habitants.

Nous le répétons, des solutions doivent être trouvées pour résoudre ce paradoxe inéquitable et anti-redistributif, au détriment des petites communes.

Les mairies ont déjà la possibilité de transférer à l’EPCI leur compétence en matière de formation, mais elles le font très rarement. Si cette mutualisation peut permettre de rassembler les élus autour d’enjeux partagés dans une dynamique collective et de rencontre, les relations entre EPCI et commune et la confiance des élus envers ces structures peuvent freiner ce mouvement.

Comme nous l’avons relevé dans le rapport sénatorial sur l’exercice des mandats locaux, les élus sont prudents et craignent une régression de leurs droits, en l’absence de dispositions législatives claires, sur le mode de calcul du budget formation en cas de mutualisation.

Nous proposons donc par cet amendement de sécuriser juridiquement les modalités financières de mutualisation, en reprenant ce qui est prévu pour les communes.


L’amendement suivant, le n°3, portant sur les mêmes articles additionnels après l’article 1er, a également été défendu par Michelle Gréaume, et retiré après l’engagement formel de la Ministre à respecter la demande. Il avait pour but d’instaurer formellement la proportion de 50% d’élus locaux au sein du Conseil national de la formation des élus locaux.

Lire la défense de l’amendement 3

Le Conseil national de la formation des élus locaux est l’organe consultatif qui s’est vu confier le soin de définir les orientations des formations proposées aux élus.

Cette instance régule le marché de la formation en donnant un avis sur les décisions ministérielles d’agrément, délivrées aux organismes de formation.

La présente ordonnance renforce le rôle de ce Conseil, et les ajouts de la commission des lois le confortent également, en encadrant ses nouvelles missions. Il devra notamment s’assurer de l’équilibre financier du fonds DIFE, et formuler des propositions au Gouvernement pour le rétablir. Puis donner un avis assez contraignant sur le projet de rétablissement de l’équilibre financier.

Nous espérons que cette amélioration de la commission demeurera dans le texte, tout comme la formulation de prévision du montant de droit des élus.

Nous tenons également au caractère public du rapport annuel, qu’il devra établir sur la formation et sur la gestion du DIFE.

Alors que ce Conseil gagne en importance, nous sommes étonnés que le Gouvernement ait profité de la réécriture législative de son rôle pour supprimer la disposition qui prévoyait que le Conseil était au moins pour moitié composé d’élus locaux.

Nous proposons donc par cet amendement le rétablissement de cette précision. Il nous semble important que le Conseil conserve cette parité entre personnalités qualifiées et élus.

Nous profitons également de cet amendement pour rappeler au niveau législatif que les membres de ce Conseil doivent représenter le pluralisme politique et l’ensemble des collectivités territoriales, afin d’y assurer au mieux la représentation de tous les élus locaux. Merci.

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