Ce mardi 11 mai débutaient au Sénat les débats sur le Projet de loi relatif au développement solidaire et lutte contre les inégalités mondiales.
Michelle Gréaume était mobilisée pour le groupe CRCE, pour défendre des amendements pour tenter d’améliorer la portée de ce texte.
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
C’est peu de dire que nous attendions sous le sceau de l’urgence ce projet de loi de programmation pour l’aide publique au développement. Car face à l’ampleur des inégalités sociales et économiques mondiales, face aux déstabilisations qu’elles entraînent dans nombre d’Etats et de régions du monde, face à la pandémie aujourd’hui, au danger climatique, aux crises de plus en plus nombreuses, le développement solidaire de l’humanité n’est plus une option, c’est devenu la condition première de la sécurité humaine collective. Le droit à un développement humain digne est le premier des biens communs à promouvoir. Nous en sommes loin, La France doit changer d’échelle en matière d’aide publique au développement, et redéfinir le contenu de cette aide.
Les objectifs justement rappelés en tête du projet de loi, éradication de la pauvreté, lutte contre les inégalités et de toutes les insécurités, promotion des droits humains, de l’éducation et de la santé, des droits des femmes, protection des biens publics mondiaux, doivent guider toute notre action. Et non une politique d’influence au service d’une puissance réservée à un petit club de nations les plus riches et au service de quelques grands groupes privés. S’il faut parler de rayonnement de la France, c’est au service du développement de tous les peuples qu’elle prendra aujourd’hui du sens et non de la concurrence des logiques de puissances de plus en plus contestées et contestables. Le débat sur la levée des brevets des vaccins illustre parfaitement ces deux logiques.
Considérer d’abord l’APD à l’aune, des « bénéfices à en attendre pour notre pays » comme vous le déclariez à l’AFD, ce serait continuer à rater la cible d’une politique solidaire internationale à la hauteur des défis mondiaux actuels.
A son arrivée au Sénat, ce texte n’avait de programmation que le nom. La commission a faiblement corrigé cela pour la programmation des crédits budgétaires jusqu’en 2025.
Nous proposons une autre ambition, une véritable programmation. Premièrement en inscrivant enfin et clairement dans la loi l’objectif contraignant des 0,7 % auquel la France se dérobe depuis des années ; deuxièmement en fixant les objectifs chiffrés qui vont avec pour 2025, car nous le savons les taux ne suffisent pas à garantir les montants nécessaires ; troisièmement en pérennisant cette ambition jusqu’en 2030. Membre du Conseil sécurité de l’ONU, la France ne peut pas décemment continuer à tourner le dos à ces objectifs fixés par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1971 !
Monsieur le Ministre, l’argument des incertitudes budgétaires ou politiques en vue des échéances de 2022 n’en est pas un. Au contraire, la pandémie et ses terribles conséquences économiques et sociales sur les plus fragiles appellent en urgence un engagement massif contre les inégalités mondiales, pour le développement et la sécurité de tous. C’est le moment de garantir dans la durée une véritable ambition en matière d’APD. Sans cela, le tournant dont vous parlez ne sera que belles paroles. Et pendant ce temps à nouveau perdu, la lutte contre la pauvreté et l’extrême pauvreté continuera de reculer quand, à l’inverse, le capital des plus riches continuera de progresser, générant toujours plus d’insécurités humaines et de risques de conflits dans le monde.
Pour financer cette ambition, il faut non seulement garantir nos choix budgétaires, mais nous vous proposerons également d’augmenter l’assiette, le rendement et l’affectation de la taxe sur les transactions financières. Car la financiarisation délirante du monde capitaliste, à l’origine du krach mondial de 2008, est une indécence chaque jour lancée à la face des plus pauvres de notre planète.
Garantir une nouvelle ambition, c’est aussi réorienter notre aide en profondeur : priorité aux pays les moins avancés, aux services sociaux de base, à l’émancipation des femmes et des jeunes filles, priorité aux dons et non aux prêts. Ces objectifs doivent être gravés dans le marbre avec des cibles chiffrées.
Enfin, et j’ai envie de dire qu’il s’agit là en fait de l’essentiel, il convient de changer en profondeur la philosophie de notre aide, pour la tourner résolument vers la construction des bases solides d’un développement propre des pays destinataires et la dégager de toutes les logiques de pillage qui persistent encore largement.
Nos amendements iront largement dans ce sens : Nous en déposons sur les instruments en appui au secteur privé (ISP), car leur comptabilisation en APD se fait au détriment de l’aide vers les services sociaux de base dans les pays les plus pauvres. Quant au système des C2D, il doit être mis en cause et sorti des comptes de l’APD, car il maintient les pays concernés dans la dépendance financière au lieu de les en dégager, gonfle artificiellement la part des dons dans l’APD et finance trop souvent des projets opaques et surfacturés ; des fonds conséquents doivent être consacrés à la construction de recettes fiscales pérennes er solides pour les pays bénéficiaires comme même le FMI commence à le prôner ; enfin la cohérence de toutes nos politiques doit être recherchée car à quoi sert d’aider d’une main si nous prenons de l’autre autant et trop souvent parfois plus. La nécessité de cette cohérence est affichée dans le projet mais il convient de la garantir dans les actes et dans la durée. Accords commerciaux et libre-échange ; lutte contre le changement climatique (la Banque mondiale parle de 148 millions de déplacés climatiques en 2050 si rien n’est fait), conventions fiscales, relations monétaires (la réforme du franc CFA n’a rien réglé), conditions d’engagements léonines des grands groupes français … tout doit être réexaminé si nous voulons que la cohérence en faveur du développement entre dans la réalité. Nous proposons qu’un rapporteur spécial suive dans chaque assemblée du Parlement la mise en œuvre de cette cohérence transversale.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons, avec des suggestions d’amélioration, l’instauration d’un rapport et d’un débat annuel, et la création d’une commission indépendante d’évaluation. Nous proposons également de renforcer le suivi citoyen des projets d’APD et de C2D.
En l’état, nous nous apprêtons à nous abstenir sur ce texte mais nous ne désespérons pas d’obtenir dans le débat des progrès significatifs.
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Elle a d’abord défendu l’amendement 123 sur l’article 1er A, relatif à la préservation du potentiel fiscal des pays en développement, et à leur capacité à lever des fonds pour leurs propres politiques, alors que la France y développe des zones franches pour favoriser l’implantation de multinationales, ce qui est d’une grande incohérence. Il a été rejeté.
Elle a ensuite défendu l’amendement 116, visant à adjoindre une dimension féministe à 85% de l’aide publique au développement bilatéral. Il n’a pas été adopté.
Puis, l’amendement 141 a été présenté, portant sur l’impérieuse exigence que l’APD soit délivrée dans le respect du droit international, en neutralisant certaines pratiques diplomatiques délétères. Il n’a pas été adopté.
L’amendement 107 a suivi, interrogeant sur l’intérêt de se fixer des objectifs en taux, et non en volume, pour atteindre les objectifs français en matière d’aide au développement. Il n’a pas été adopté.
Les débats se sont poursuivis autour de l’amendement 105, visant à inscrire les objectifs de financement au titre de l’Aide Publique au Développement dans le corps du texte de ce projet de loi, alors que la France n’a toujours pas atteint l’objectif de 0,7% du Revenu National Brut, fixé en 1970. Il n’a pas été adopté.
L’amendement 119 a ensuite été défendu, sur le renforcement des dons face à l’endettement des pays pauvres. Il n’a pas été adopté.
L’amendement suivant, le 121, visait à flécher 50% de l’APD vers les services sociaux de base, et notamment l’éducation. Il n’a pas été adopté.
Après une suspension de séance, elle a pu reprendre, et Michelle Gréaume a soutenu l’amendement 151, visant à élargir la base de données prévue dans le projet de loi. Le groupe CRCE combat depuis toujours les transferts financiers de l’APD vers les paradis fiscaux. Il n’a pas été adopté.
Elle s’est ensuite affairée à défendre l’amendement 128, qui visait à rappeler que l’aide au développement ne doit pas servir à justifier ou à autoriser des interventions militaires dans les pays en voie de développement. Il n’a pas été adopté.
L’amendement 124, non adopté, visait quant à lui à promouvoir une vision cohérente de la politique internationale française, alors que nous constatons l’inadéquation de notre politique de coopération économique, marquée par l’appui à la création de zones franches qui grèvent les capacités fiscales des pays en développement.
Le dernier amendement soutenu par Michelle Gréaume, le n°303, visait à demander la pérennisation du Fonds de soutien aux organisations féministes. Il a été retiré.
Les discussions ont repris le lendemain, où Michelle Gréaume a défendu l’amendement 126, portant sur la levée des brevets pour combattre les inégalités vertigineuses d’accès aux vaccins.
Face au refus du Gouvernement d’inscrire cette levée des brevets pour les vaccins dans la loi, Michelle Gréaume a repris la parole pour une explication de vote sur cet amendement 126.
C’est ensuite les amendement 129, 130 et 110 qu’elle a défendu ensemble, en rapport avec l’Aide Publique au Développement et les crédits mis en place pour les réfugiés.