À la tribune

PPLC/PPLO plein exercice des libertés locales

Les élus locaux sont à bout face à l’érosion de leurs marges de manœuvre

"Les principes de libre administration et d’autonomie financière des collectivités ont été méprisés par les gouvernements"

Cécile Cukierman a prononcé l’intervention générale au nom du groupe CRCE lors de la discussion des Propositions de loi constitutionnelle et organique "Pour le plein exercice des libertés locales", ce mardi 20 octobre au Sénat

Lire le texte de l’intervention

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Chers collègues,

Alors que l’arrivée du projet de loi 3D ne cesse d’être repoussée, la majorité sénatoriale propose deux propositions de lois constitutionnelle et organique complétées par une proposition de loi ordinaire.
Le titre, « Le plein exercice des libertés locales », nous amène à questionner le périmètre des dites libertés locales.

Nous nous rejoignons sur les résultats désastreux des réformes tant d’organisation des collectivités que de la fiscalité locale qui se sont enchaînées. Les principes de libre administration et d’autonomie financière des collectivités ont été méprisés par les gouvernements.

La réforme de la taxe d’habitation puis la baisse de la fiscalité économique locale proposée dans le PLF pour 2021 demeurent malheureusement dans cette droite ligne. Les élus locaux sont à bout face à l’érosion de leurs marges de manœuvre et du comportement autoritaire du Gouvernement qui leur impose une austérité budgétaire.
Puisque nous nous retrouvons sur ces constats, nous partageons aussi des solutions. La reconnaissance de la clause générale de compétences pour les communes dans la Constitution est une bonne chose, et cette capacité d’intervention mériterait d’être rétablie pour les départements et régions. Cette clause de compétence assure aux élus locaux de l’espace, de la liberté pour innover et adapter sur leur terrain, tout en restant dans le cadre républicain de l’égalité des citoyens devant la loi.

Indissociable de la liberté locale, l’autonomie financière est le levier d’action des élus, sans finances il n’y a pas de compétences. Les coupes dans les ressources propres sont depuis trop longtemps dissimulées de manière artificielle par le remplacement d’impôts locaux avec un pouvoir de taux par des compensations et transferts de part d’impôts nationaux.
Nous évoluons vers une fiscalité locale recentralisée qui n’est plus un outil budgétaire dans les mains des élus mais un outil d’assujettissement du Gouvernement. Comme le propose les présents textes, nous défendons une clarification des ressources propres des collectivités et des compensations justes et évolutives lors de transferts de compétences ou modifications décidées par le Gouvernement.

Sans capacité d’action locale et maîtrise de ressources financières, le lien entre citoyens et élus locaux s’étiole et la démocratie locale perd tout son sens puisque vidée de toute concrétisation.

Toutefois, prudence. Prudence quant au périmètre de ce que vous appelez libertés locales et ce que nous sommes tentés d’y faire rentrer. La crise actuelle a créé une tension forte entre le local et le national. L’action et la communication gouvernementales ont beaucoup déçu, de nombreux élus et citoyens se sont retrouvés démunis. Encore aujourd’hui, par l’absence de concertation pour l’instauration du couvre-feu.

Les velléités de plus d’indépendance ont pu se développer dans ce climat, prônant un pouvoir local plus apte que le national à réagir. Mais de telles demandes peuvent se retrouver mêlées aux désirs et particularismes locaux qui menacent le cadre républicain d’unicité et d’indivisibilité de la France.

C’est dans ce contexte que vous proposez d’introduire le concept de représentation équitable des territoires et celui de différenciation territoriale. Les débats à ces sujets sont légitimes et doivent nourrir notre réflexion.

De la même manière, la différenciation que vous proposez de développer par l’attribution de compétences différentes aux collectivités et la possibilité de déroger aux lois et règlements nationaux est dangereuse en l’état. Comme vous le dites vous-même dans votre exposé des motifs cela aboutira à « moins de normes, moins de contraintes » mais il y a aussi le risque au final de moins de protections pour les citoyens.

Il y a de réels risques de ne plus contrôler ce que la différenciation créera. Les déséquilibres territoriaux pourront se creuser ce qui amplifiera les inégalités entre citoyens et entre collectivités à la faveur des plus riches qui auront la possibilité de développer indépendamment des politiques. Enfin différencier les collectivités, c’est les mettre en concurrence et laisser la place aux intérêts privés qui s’en saisiront pour pousser les élus à être moins-disant sur les mesures de protection sociale, environnementale.

A quel prix payerons-nous cette définition extensive des libertés locales ?

En cette période compliquée, la prudence doit être le maître mot. Ne nous précipitons pas vers une désolidarisation des entités composant la République. Au contraire nous souhaitons défendre un Etat fort qui ose agir et protéger l’ensemble des citoyennes et citoyens. Pour cela, un meilleur accompagnement des collectivités territoriales est indispensable puisqu’elles sont les chevilles ouvrières de la République.
Le groupe CRCE votera contre ces deux textes.

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