Le Sénat a d’abord débattu du Projet de loi Organique. Michelle s’est d’abord exprimée sur l’article 1, en défendant l’amendement 3 demandant la suppression de l’article 1er, qui fait porter le fardeau de la dette à la sécurité sociale.
La crise sanitaire que nous venons de vivre a montré à quel point notre système de protection sociale est précieux, pour protéger nos concitoyennes et concitoyens. L’accès universel aux soins, la garantie de prestations sociales, permettant de maintenir le niveau de vie et l’assurance d’un revenu de remplacement en cas de perte d’emploi sont autant d’atouts qu’il nous faut renforcer et élargir. La crise sanitaire a également révélé des fragilités, qui sont le fruit d’un sous-financement chronique organisé depuis de longues années, en particulier pour nos hôpitaux et nos Ehpad, en première ligne face à l’épidémie. Cet article premier du projet de loi organique « dette sociale et autonomie » prévoit le report de la fin du remboursement de la dette sociale prévu en 2033, et en même temps le transfert de 136 milliards d’euros de dette à la CADES, ce qui revient à ajouter le fardeau de la crise à la sécurité sociale. Cela a été rappelé à l’Assemblée Nationale, mais le Gouvernement actuel reproduit exactement la même politique menée en son temps par la droite, qui, après la crise de 2008, avait transféré 130 milliards de dette à la sécurité sociale. Sous couvert d’impératif budgétaire pour préserver les finances sociales, cette opération permettra demain au Gouvernement de maintenir sous pression pour de longues années des dépenses de santé. En effet, ce sont 17 milliards d’euros de CRDS et de CSG qui auraient pu servir à financer des politiques sociales, au moment où nos concitoyennes et concitoyens en ont le plus besoin. Cette dette est d’autant plus injuste qu’elle sera remboursée uniquement par les salariés, les demandeurs d’emploi et les retraités ; par contre, les entreprises ne participeront pas à l’effort collectif. Pourtant, qui a profité de l’activité partielle et des garanties de l’État ? Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 1. ----- Michelle a de nouveau souhaité s’exprimer concernant l’article 1er, avant qu’il soit soumis aux votes :
Je vais revenir sur vos propos Monsieur le Ministre : tout à l’heure, vous m’avez dit que tout ce qui concerne le Projet de loi de Finances rectificatif (PLFR), c’est PLFR, et tout ce qui concerne le Projet de loi de finances de la Sécurité Sociale (PLFSS), c’est PLFSS. Alors il va falloir m’expliquer pourquoi dans la dette, dont on élargit le périmètre avec cet article, on y intègre le déficit d’un régime spécial des fonctionnaires ? ----- Les débats se sont poursuivis autour du Projet de loi, et Michelle a souhaité s’exprimer sur l’article 1er :
Cet article 1er prévoit un transfert de dette d’un montant de 136 milliards d’euros à la CADES. Je pense, mes chers collègues, qu’il est temps que le Gouvernement explique aux Français ce qu’est véritablement la dette sociale. Cela évitera des transferts abusifs qui devraient en réalité être pris en charge par l’État. Car ces 136 milliards d’euros ne représentent pas une dette sociale mais une dette en partie liée à la crise sanitaire de la Covid, crise qui a été gérée au travers d’ordonnances par le gouvernement. Cette dette c’est aussi des déficits futurs en y insérant l’investissement des établissements de santé qui aurait dû apparaitre dans un PLFSS rectificatif. N’oublions pas également que les déficits des branches avant la Covid-19, ce sont les conséquences des choix politiques, notamment d’exonérations de charges sociales non compensées par l’Etat ou primes éventuellement pour les gilets jaunes. Rétablir clairement la distinction entre la dette sociale et la dette de l’État empêchera ce mécanisme de culpabilisation avec un « trou de la sécu » qu’il faudrait absolument combler et ce au prix des droits des assurés sociaux et d’un affaiblissement de la sécurité sociale. En transférant ce montant à la CADES, ce sont près de 18 milliards d’euros de recettes par an dont nous nous privons et qui auraient pu être utilisées dès 2024 pour financer les hôpitaux et la dépendance. Il est trop facile d’inclure dans la dette sociale des charges qui devraient être assumées par l’Etat et de s’en servir ensuite comme justificatif afin de réduire les dépenses de la sécurité sociale sous prétexte que les recettes sont insuffisantes. ----- Michelle a ensuite défendu l’amendement 12 sur l’article 1er, relatif à la dette générée par la caisse de retraite des agents des collectivités locales.
Je vous en avais parlé tout à l’heure, l’article 1er prévoit un transfert de dette d’un montant global de 136 milliards d’euros à la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (CADES) Parmi ces 136 milliards, 1,2 milliard d’euros provient du déficit cumulé de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), qui régit notamment le régime spécial des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Le gouvernement présente donc comme solution pour financer ce déficit de le faire reprendre par la CADES. Mais si ce déficit de la CNRACL a été aggravé, c’est bien parce que les gouvernements successifs ont décidé de geler le point d’indice des fonctionnaires et de ne pas remplacer les départs à la retraite. Donc elle verse plus de prestations qu’il n’y a de cotisants. Comment renflouer la CNRACL si la masse salariale se trouve diminuée ? Il suffirait pourtant simplement de répondre aux revendications des personnels soignants qui réclament une augmentation des salaires et plus de personnel. Ce n’est pas à la sécurité sociale de prendre en charge ce déficit mais à l’État de l’assumer en projet de loi de finances. C’est pourquoi cet amendement propose de supprimer l’alinéa 4 de l’article 1. ----- Enfin, elle a défendu l’amendement n°10 sur l’article 4, portant sur la création d’une cinquième branche, liée à un cinquième risque.
Si le rapport Libault de mars 2019 prône la création d’un cinquième risque, il s’oppose à la création d’une cinquième branche, considérant que confier sa gestion à une branche de sécurité sociale impliquerait l’effacement du département et le transfert de la gestion des prestations à un des réseaux existants de caisse locale. De même, dans le projet de loi initial sur la dette sociale et l’autonomie, il n’était question que d’un rapport sur la pertinence d’une cinquième branche associée au cinquième risque. Et nous voici, héritiers de 4 alinéas qui créent directement cette cinquième branche. Cette démarche est contraire aux principes mêmes de la sécurité sociale. Je passe sur le fait que l’autonomie serait plutôt le neuvième risque, car elle relève pour nous de la branche maladie. Les séparer, c’est créer une nouvelle strate, fragilisant l’ensemble, avec des transferts de crédits et en retirant l’expertise de la mise en œuvre aujourd’hui aux mains des départements. Si nous y sommes opposés philosophiquement, nous le sommes également du fait du risque, très réel celui-là, de voir les assureurs et marchés financiers investir un secteur stratégique pour les années à venir. Enfin, sortir l’autonomie et la dépendance de la branche maladie, c’est créer de nouveaux prélèvements fiscaux à la place des cotisations sociales, assises sur la richesse crée par le travail. Comme pour la CSG, la fiscalisation casse la dynamique de solidarité intergénérationnelle, ce qui isole les différents bénéficiaires des aides de la société. Au-delà des slogans, il y a des réalités, l’autonomie a besoin de plus de contenu que d’un simple affichage. Créer une branche ad hoc, c’est casser les moyens nécessaires. C’est la raison pour laquelle nous demandons de retirer ces alinéas. ----- -----
L’historique du texte :
Le 27 mai 2020, le Gouvernement a déposé à l’Assemblée nationale un projet de loi (PJL) et un projet de loi organique (PJLO) relatifs à la dette sociale et à l’autonomie. Ces textes, modifiés par l’Assemblée nationale en première lecture, prévoient notamment : · une reprise de la dette de 136 milliards d’euros par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) destinée à financer : - pour 31 milliards d’euros, des déficits cumulés au 31 décembre 2019 de la branche maladie du régime général, du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles, et de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ; - pour 92 milliards d’euros, des déficits futurs 2020-2023 des branches maladie, vieillesse et famille du régime général, du FSV et de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles ; - pour un montant maximum de 13 milliards d’euros, des efforts en faveur de l’investissement dans les établissements publics de santé. · l’instauration d’une cinquième branche de la Sécurité sociale dédiée à soutien à l’autonomie (article 4 du PJL). Les députés ont prévu que la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) assurerait la gestion de cette nouvelle branche. Le Gouvernement ayant engagé la procédure accélérée sur ces textes, ils pourraient ne faire l’objet que d’une seule lecture au Parlement. L’examen en commission au Sénat Mercredi 24 juin 2020, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de Jean-Marie Vanlerenberghe et modifié les projets de lois. Sur le transfert de la dette, la commission a rejeté le transfert à la Cades de la dette des hôpitaux. Pour son rapporteur, "le mécanisme est excessivement complexe et surtout, il s’agit d’une dette d’investissements immobiliers réalisés dans le cadre de plans conçus par l’État. La Cades (...) doit rester centrée sur sa mission d’apurement des déficits de la sécurité sociale". La commission a ensuite instauré, dès la sortie de la crise actuelle, une "règle d’or" qui encadrera les futures lois de financement de la sécurité sociale (LFSS). Selon cette règle, l’annexe votée dans chaque PLFSS devra présenter un solde cumulé positif ou nul sur cinq ans pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et le Fonds de solidarité vieillesse. Enfin, en matière d’autonomie, la commission a validé le principe de la création d’une 5e branche, tout en exprimant de forts doutes quant à l’opportunité d’une telle création avant même les conclusions du rapport que le Gouvernement doit présenter au Parlement d’ici au 15 septembre 2020. Examen en séance publique Mercredi 1er juillet 2020, en séance publique, les sénateurs ont rejeté : · la motion n°8 tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, présentée par les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste (par 86 voix pour la motion et 251 voix contre) ; · la motion n°2 tendant à opposer la question préalable, présentée par les membres du groupe socialiste sur le PJLO (par 86 voix pour la motion et 251 voix contre). Ils ont ensuite adopté le PJLO par 228 voix pour et 86 voix contre (voir les résultats du scrutin public) et le PJL, sans modifications par rapport à la rédaction établie en commission.