Lire l’intervention d’Eric Bocquet
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cher.e.s collègues,
Monsieur le Ministre, le débat budgétaire est un long chemin, le 49.3 en est son mur ultime !
Il revient ainsi, dans un solisme budgétaire, d’éliminer les volontés des parlementaires, jugés trop peu prompts à gérer les finances publiques ; un comble quand la copie du Gouvernement prévoit 4,4 % de déficit par rapport au PIB et un endettement record.
Plus qu’un solisme, c’est une méthode et des choix hors sols qui vous conduisent à persister face à l’unanimité du Sénat, à vouloir faire de la France un paradis fiscal pour les grandes fédérations sportives lucratives. Ces articles sont profondément contraires à l’esprit de Coubertin, à l’image de celui sur le chronométreur des Jeux olympiques et de ses filiales qui ne paieront pas d’impôt : l’important c’est de participer… mais surtout pas au financement des services publics !
Le solisme budgétaire expose également à des « erreurs matérielles », pour reprendre les termes du conseiller d’un ou d’une ministre citée dans la presse. En cause, c’est l’amendement de notre groupe porté par notre collègue Ian Brossat qui visait à remédier à une injustice majeure : le taux d’imposition était plus favorable selon qu’est loué un logement à un travailleur ou une travailleuse pour quelques années, plutôt qu’à un touriste étranger pour quelques jours sur Airbnb. C’est terminé ! Sauf que le Gouvernement voulait supprimer cet amendement, en annonçant toujours dans la presse et anonymement que cet article « sera modifié à l’occasion d’un prochain vecteur législatif au plus tard dans le budget 2025 » et que « la disposition n’a pas vocation à s’appliquer dans l’intervalle ». Imaginez un Gouvernement qui fait fuiter dans la presse que le budget, la loi donc, ne s’appliquera pas… Ouvrez les yeux : ce budget c’est celui pour 2024, la loi c’est l’imposition des loueurs sur Airbnb, tous les élus locaux le réclament mais le Gouvernement prétend avoir raison contre tout le monde. Les seuls moments où il a raison, c’est quand il se trompe…
Notre taxe sur les rachats d’actions modestes dans son taux de 2%, dans les projections de recettes c’est 400 millions d’euros, iraient trop loin pour le rapporteur général Jean René Cazeneuve. Peu importe que les rachats d’actions aient doublé depuis 2019 pour dépasser les 20 milliards d’euros, peu importe que les Etats-Unis aient institué une telle taxe à 1% à compter du 1er janvier 2023. Le rapporteur botte en touche en renvoyant au partage de la valeur, comme si une prime Macron de quelques centaines d’euros pouvait contrebalancer un enrichissement indu à des milliards d’actionnaires. Le solisme budgétaire fait fi des comparaisons internationales, dans un aveuglement coupable au service des plus riches.
Notre taxe sur le streaming musical et vidéo, retenue cette fois-ci – tout arrive ! – à l’initiative de notre collègue Fabien Gay a été dévitalisée en abaissant son taux d’1,75% à 1,2%. Les multinationales du streaming en sont quittes pour une juste imposition et la déstructuration du monde de la création musicale.
Les collectivités pâtissent également de ce solisme budgétaire :
Pas de fonds exceptionnels pour les collectivités en proie aux catastrophes climatiques.
Un fonds de sauvegarde pour la baisse de DMTO des départements réduit à sa portion congrue, 53 millions d’euros supplémentaires et déjà insuffisant en sortant du Sénat.
La DGF augmentera en dessous de l’inflation, conformément à la loi de programmation des finances publiques.
Les collectivités territoriales ne sont pas à la fête, on le sait.
Nous continuerons de mener ces batailles, mais en attendant la responsabilité démocratique, sur la méthode et la responsabilité budgétaire, nous rejetons ce budget pour 2024.