En cette semaine de Congrès des maires de France, nous réaffirmons l’urgence d’adopter un véritable statut de l’élu, à l’instar de l’Association des Maires Ruraux de France (AMRF), qui publie cette semaine une étude qui analyse les raisons qui poussent une majorité de maires ruraux à ne pas se présenter à leur propre succession lors des prochaines élections municipales.
Le Sénat a émis un certain nombre de recommandations pertinentes en la matière, travail auquel Michelle Gréaume a participé (consulter le rapport).
Nous sommes conscients et inquiets de la réalité des difficultés rencontrées par de très nombreux maires, à l’origine d’un malaise profond chez les élus, notamment dans les territoires ruraux ou péri-urbains. Il s’agit là d’un vrai sujet de société dont les hautes autorités ministérielles et parlementaires devraient se saisir en y apportant des suites législatives à partir des recommandations du rapport suscité.
Pourquoi je pars, pourquoi je reste ? Les données exclusives de l’AMRF pour les maires ruraux
4 maires sur 10 ont l’intention de poursuivre*
À parité, « l’attachement au territoire communal » et « la défense de la ruralité » (40 %) constituent les deux principaux motifs choisis aujourd’hui par les maires qui ont l’intention de se représenter en mars 2020. L’autre motif majeur (37,8 %) est la volonté de poursuivre sur un temps plus long le projet de développement de la commune.
Dans un contexte d’altération forte du soutien de l’État vis-à-vis des élus et de la structure communale, les fondamentaux de l’engagement des élus demeurent bien présents dans cette enquête qui se situe après 4 années d’exercice. Mais la mise en œuvre des mesures contenues dans la loi NOTRE, qui privent les communes de leur capacité d’action, parfois amplifiées par l’actuel gouvernement qui les double d’une stratégie de concentration des pouvoirs, altère fortement la motivation des maires.
C’est la raison majeure pour laquelle l’ambiance générale est en berne avec près de 6 maires sur 10 qui, si l’élection avait lieu aujourd’hui, décideraient ne pas se représenter. Leur premier motif est, de loin, l’impasse de la construction intercommunale à marche forcée, fruit d’une volonté politique récurrente d’affaiblissement de la commune aggravée par la loi NOTRE et de son application zélée dans l’ensemble des départements.
Dans le détail, parmi les motifs exposés, « la toute-puissance des intercommunalités qui rogne les pouvoirs des maires » arrive très largement en tête des raisons exposées par les maires décidés à raccrocher : 36,9 %.
La poursuite et l’accroissement des mécanismes financiers pénalisant les communes (changements permanents illisibles et injustes), l’accès difficile aux nouveaux outils de soutien et d’ingénierie, le maintien des dotations à un niveau historiquement bas (avec une péréquation insuffisante…), expliquent que « les contraintes budgétaires » soient citées par 31,2 % des maires refusant à cette heure de poursuivre en 2020.
Ce panorama engage les responsables politiques à saisir l’urgence de la situation pour changer la donne : en faveur d’un aménagement du territoire qui vise à l’équilibre entre urbanité et ruralité, par l’introduction d’un véritable statut de l’élu qui incruste dans la loi la conviction que l’échelon de base de notre démocratie, la commune, doit disposer d’élus formés, sécurisés, en mesure d’assumer leurs immenses tâches au service de l’intérêt général.
L’étude engage également les citoyens à s’investir pour l’enjeu démocratique, tant ce niveau d’alerte inédit décrit de manière alarmante l’intention majoritaire des édiles à ne pas se représenter. Elle s’explique par un niveau sans équivalent de remise en cause du cadre de l’action communale qui oblige tout un chacun à réagir, à la fois localement dans sa commune mais plus largement pour la préservation de notre modèle républicain et démocratique. La poursuite de sa fragilisation par l’emprise d’une haute administration toute puissante et par les décisions du législateur depuis des décennies remet en cause le socle de notre fonctionnement démocratique et le rôle d’amortisseur que sont les maires dans la vie de la cité.
Aussi, les Maires ruraux mèneront dans les mois à venir des actions ciblées d’information et de sensibilisation auprès des citoyens en plus des actions qui traduisent le ras-le-bol des élus rencontrés partout en France.
Si cette consultation, faite sous forme anonyme, concerne les maires, nous savons que la lassitude est partagée par de nombreux membres des conseils municipaux. Pour autant, ceux qui décident de se représenter restent d’infatigables promoteurs de la commune, en particulier rurale, et ils sauront entraîner avec eux les nouveaux élus.
En lien avec les principaux motifs du renoncement, et après la publication du Livre Blanc et noir de l’intercommunalité, l’AMRF organise une journée de travail, lundi 19 novembre, avec les membres des délégations aux collectivités de l’Assemblée et du Sénat et ainsi que d’autres spécialistes, afin de proposer de revoir le cadre intercommunal et permettre aux élus d’en reprendre la gouvernance partagée.
Le détail de la consultation
J’ai l’intention de continuer : 41 %
Les raisons classées par ordre décroissant :
1. Par attachement au territoire communal : 40,2 %
2. Pour défendre la ruralité et un certain art de vivre : 40,0 %
3. Pour mener à bien les projets en cours : 37,8 %
4. Par engagement pour l’intérêt général : 34,6 %
5. Parce que la commune est utile : 31,0 %
6. Par sens du travail collectif (conseil, associations, etc.) : 6,8 %
7. Pour être le porte-parole de la population : 3,9 %
8. Parce qu’il n’y a pas d’autres candidats : 2,7 %
9. Autres : 1,6 %
10. Pour des raisons politiques : 1 %
11. Pour aucune de ces raisons : 0,4 %
J’ai l’intention d’arrêter : 59 %
Les raisons classées par ordre décroissant :
1. La toute-puissance des intercommunalités qui rogne les pouvoirs des maires : 36,9 %
2. Les contraintes budgétaires (baisse des dotations, absence de visibilité, etc.) : 31,2 %
3. Raisons personnelles (âge, santé, etc.) : 30,5 %
4. Les normes (contraintes réglementaires et complexité des démarches) : 25,9 %
5. Les exigences accrues des citoyens : 20,8 %
6. Le mépris des représentants de l’État : 18,5 %
7. Autres : 13,8 %
8. Les changements législatifs incessants qui empêchent de se projeter dans l’avenir : 11,4 %
9. L’absence de politiques publiques pour maintenir les services locaux (commerce, santé, haut-débit, etc.) : 10,2 %
10. Pour aucune de ces raisons : 0,8 %
*Méthodologie : Sondage en réponse anonyme auprès de 1000 maires ruraux du 3 au 15/11/18. Une question fermée sur l’intention de poursuivre ou d’arrêter en 2020. Pour chaque réponse, une série de 10 items avec la capacité de choisir deux items.
Précaution : Il s’agit d’une estimation de l’intention et en aucun cas une décision ferme de l’élu. A 17 mois du scrutin, ces éléments sont donc purement indicatifs.