À la tribune

Débat sur le programme de stabilité et l'orientation des finances publiques

"Un Gouvernement qui décide seul devrait assumer seul" : Eric Bocquet demande à ouvrir le débat sur les finances publiques

Mardi 30 avril avait lieu au Sénat un débat sur le programme de stabilité et l’orientation des finances publiques.

C’est Eric Bocquet qui s’y est exprimé au nom du groupe CRCE, en regrettant l’absence de véritable débat sur ces questions.

Lire le texte de l’intervention

Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Mes cher.e.s collègues,

Un Gouvernement qui décide seul devrait assumer seul.

La décision solitaire s’est manifestée par la multiplication de 49-3 lors des lois finances et de la loi de programmation des finances publiques. Les oppositions avaient raison, elle était caduque avant même qu’elle soit adoptée. Elle est désormais dans un carton à Bercy : toutes les projections macro-économiques et les trajectoires de réduction de déficits qu’elle comportait ont volé en éclat.

Décider seul, c’est aussi refuser de reconnaitre que la politique de l’offre est une impasse. Les entreprises sont abreuvées d’argent public :

  • Les dépenses de l’État ont progressé de 100 milliards d’euros depuis 2019, la croissance est atone ;
  • Les chiffres de l’emploi sont artificiellement gonflés par le million d’apprentis subventionnés ;
  • La réindustrialisation serait à l’œuvre mais la balance commerciale, cela a été dit, ne cesse de dévisser ;
  • Les entreprises se gavent de crédits d’impôt recherche, l’une des 465 niches fiscales pour un montant total de 94,2 milliards d’euros pour les finances publiques, mais Sanofi a supprimé 10 000 postes depuis 2018, dont 330 dans la recherche. Vous créez un crédit d’impôt pour 2024 pour l’industrie verte, dont acte, mais si l’entreprise Systovi menace de mettre la clé sous la porte, ce n’est pas la fiscalité ici qui est en cause, ce n’est donc pas une niche fiscale supplémentaire qui en est la réponse. La fin de la concurrence mondiale, la mise en place de barrières douanières européennes, les clauses de réciprocités, de la protection, en somme la fin du libre-échange débridé, voilà les attentes des entreprises. Serons-nous un jour « compétitifs », pour reprendre vos termes, face à la Chine ? Ce qui ne nous empêche pas d’être plus intelligents.
  • 100 000 emplois devraient disparaitre cette année, fin de la conjoncture post-Covid ;
  • 68 000 défaillances d’entreprises sont attendues alors que la marée de prêts garantis par l’État se retire.
  • Le taux de chômage devrait s’établir à 8,4 % en fin d’année, alors qu’il est à 6% dans l’Union européenne.

La politique de l’offre n’ouvre décidemment aucune perspective !

Décider seul, c’est enfin croire que les finances publiques pourront se redresser sans améliorer les recettes publiques. Vous avez repoussé toutes nos mesures d’économies sur les niches des plus riches, et toutes nos mesures fiscales pour rétablir de l’équité.

Taxer les superdividendes adopté en PLF, fin de non-recevoir du ministre Bruno Le Maire au motif que, je cite : « quand vous augmentez l’imposition sur les dividendes, ça fait bien parce qu’on a l’impression qu’on tape les riches… [Mais] vous tapez les salariés actionnaires ! Donc faisons très attention ». Allant même jusqu’à parler de « supercherie », rétablissons les faits : les 2,6 millions de salariés actionnaires perçoivent un peu plus de 1 000 euros de dividendes en moyenne par an. Ils ne seraient pas concernés. En revanche, selon France Stratégie, 0,78% des Français raflent 94% de l’ensemble des 63 milliards de dividendes.

Taxer les rachats d’actions, le groupe communiste et Kanaky a fait adopter avec le groupe centriste un amendement ici au Sénat lors du dernier PLF, balayé également par vous, Monsieur le Ministre. Et voici que le Premier ministre annonce quelques mois après cette fin de non-recevoir « qu’il était envisageable de taxer les opérations du type rachats d’actions ». Vous voulez décider seul contre les oppositions en feignant d’organiser des dialogues de Bercy, des comités de concertation, le débat parlementaire c’est dans l’hémicycle, dans les assemblées, à visage découvert : là où chacun prend ses responsabilités !

Allons vers un projet de loi de finances rectificatives et nous verrons qui propose quoi, qui vote quoi ? Vous voulez éviter le débat avec les parlementaires, vous avez si peur d’avoir raison avec nous que vous préférez avoir tort tout seul.

Alors vous prévoyez dans le programme de stabilité des économies de 27 milliards d’euros en 2025 que vous n’avez pas étayées, d’une brutalité inouïe et dont personne ne veut car la confiance est rompue. Nous n’en avons guère eu sur nos bancs, même votre partenaire s’impatiente parfois. L’un des symptômes : le ministre des Finances et le Président de la République débattent ensemble dans la presse, l’un préférant considérer le niveau des dépenses, l’autre les recettes en diminution.

Monsieur le Ministre Bruno Le Maire, en présentant le PLF 2024 en septembre dernier, annonçait vouloir réduire la dépense publique de 16 milliards d’euros, et décidait en même temps, dans le même texte, de réemprunter 285 milliards d’euros aux marchés financiers privés, un montant historique, et nous leur paierons 52 milliards d’euros d’intérêts cette année.

L’urgence, messieurs les ministres, c’est de rétablir aujourd’hui la souveraineté fiscale et budgétaire de notre République.

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