À la tribune

Proposition de loi "Adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels"

Saluons la volonté de codifier le trouble anormal du voisinage

Mercredi 4 avril 2024, le Sénat a adopté la proposition de loi "Adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels".

Ce texte a pour objectif de créer la notion juridique de "trouble anormal de voisinage", déjà établie par la jurisprudence, qui jouira désormais d’une base légale pour son application.

Lire le texte de l’intervention

Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre,
Mes cher.e.s collègues,

Si les conflits de voisinage ne sont pas nouveaux, ils sont néanmoins en hausse sur tout notre territoire.
Dans bien des cas, ce sont les maires et les élus locaux qui sont en première ligne pour tenter de régler des situations qui s’enveniment, parfois depuis des années, parfois à la suite d’arrivées plus récentes.
Je voudrais donc ici les remercier pour ce rôle de médiateur ou de conciliateur qu’ils endossent, et parfois à leurs propres dépens.

Il arrive en effet malheureusement que des maires soient agressés, parfois gravement, par des administrés alors qu’ils tentent de régler des conflits de voisinages.
Ils sont les premiers remparts contre ces phénomènes, et c’est bien souvent grâce à eux que de nombreux conflits de voisinage ne se judiciarisent pas.

Nous ne pouvons les laisser seuls face aux maux de notre société.
L’augmentation de ces conflits est symptomatique d’un climat social dégradé et d’un affaiblissement du lien social dans notre pays.
Dès lors, nous ne pouvons que saluer la volonté d’intégrer dans le Code Civil le trouble anormal du voisinage. Cette codification est une manière de garantir une application homogène de la jurisprudence sur tout le territoire.

Cependant, il s’agit ici de légiférer sur l’obligation de réparer un dommage causé à son voisin. En la matière, nous devons prendre des précautions. Notre rôle est d’abord de trouver le juste équilibre entre des personnes subissant des voisins quérulants et de garantir du droit au recours pour les nombreuses victimes de nuisances anormales.
Nous devons en effet garder en tête que, compte tenu du marché de l’immobilier, nombre de locataires ou propriétaires n’ont pas la possibilité de choisir le lieu où ils logent. C’est bien trop souvent la précarité financière qui pousse les personnes à vivre dans des logements où ils subissent des nuisances sonores et la pollution, dégradant leur santé. Il nous faut donc agir également pour que chacun ait droit à un environnement décent.
En effet, si nos usines et exploitations agricoles sont essentielles pour l’activité économique, il n’en reste pas moins que les personnes vivant à proximité des plus polluantes voient leur santé se dégrader, trop souvent sans moyen d’agir, comme l’exemple récent de Fos-sur-Mer le démontre.
Dans mon département du Nord, à Lille, l’usine de batteries d’Exide, appelée Tudor, a craché des fumées chargées de poussières de plomb pendant plus d’un siècle et de nombreux cas de saturnisme ont été détectés dans le quartier populaire avoisinant. Si la maison-mère américaine de l’usine a été plusieurs fois condamnée pour pollution aux Etats-Unis, ce n’est pas le cas en France.

Nous ne pouvons donc créer un droit à polluer, à faire du bruit et à détériorer la santé des plus précaires au prétexte de la recherche de profits financiers. Il est de notre devoir de protéger l’intérêt général et de garantir à tous un droit au recours pour les personnes victimes d’un trouble anormal de voisinage.
Il ne peut y avoir de sacrifiés de la pollution dans notre pays.

Enfin, je voudrais rappeler que, pour éviter les conflits de voisinage, la concertation en amont est primordiale. Si ce texte permet d’écarter l’engagement de la responsabilité lorsque le trouble anormal provient d’activités antérieures, il faut tout de même rappeler que certaines nouvelles installations polluantes et bruyantes ne sont pas forcément menées en concertation avec les riverains. Et pourtant, c’est bien trop souvent le manque de concertation qui est à l’origine de nombreux conflits.

Je reprendrai comme exemple l’installation d’antennes relais, comme à Saméon, où la lutte de la municipalité et d’un collectif d’habitants a permis de déplacer le pylône nocif. Mais bien d’autres exemples pourraient être cités.

En conclusion, si nous saluons la recherche d’équilibre dans ce texte, il n’est qu’un pansement sur des maux plus ancrés dans notre société. Les conflits s’accumulent et se judiciarisent, nous ne pouvons simplement nous faire les arbitres entre des intérêts privés divergents, nous devons aussi œuvrer pour l’intérêt général en retissant du lien social.

C’est pourquoi nous voterons pour cette proposition de loi.
Je vous remercie.

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