À la tribune

Sénat - Intervention à la Tribune

Michelle Gréaume s’exprime à la Tribune sur la tarification sociale de l’eau

Ce mercredi après-midi, Michelle Gréaume s’est exprimée à la tribune sur la poursuite de l’expérimentation de la tarification sociale de l’eau, dans le cadre de la loi "Brottes" qui était présentée au vote des sénateurs.

La vidéo et le texte de son intervention se trouvent ci-dessous.

Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi, dont l’objet est de permettre la prolongation de l’expérimentation prévue par la loi « Brottes ».

Adoptée en 2013, cette proposition de loi a permis aux collectivités territoriales volontaires, et sur leurs propres deniers, de mettre en place des outils pour favoriser l’accès à l’eau, par la mise en place d’une " tarification sociale de l’eau " ou par un soutien financier au paiement des factures d’eau.
Cette expérimentation était prévue pour une durée de cinq années, et s’achève donc ce mois-ci.
Or, tout le monde s’accorde pour dire que plus de temps est nécessaire du fait des difficultés de mise en œuvre.

Ainsi, sur les 50 collectivités retenues en 2015, seule la moitié d’entre elles ont aujourd’hui entamé l’expérimentation. Pour ces collectivités, les obstacles de mise en œuvre ont, y compris, conduit à des abandons, comme à Denain dans le Nord.

Ces difficultés sont principalement de deux ordres :
Le coût élevé de la mise en place de ces dispositifs, ainsi que les difficultés techniques et la diversité des choix des critères sociaux retenus.
D’autant plus pour les collectivités qui ne disposent pas, le plus souvent, de l’ingénierie nécessaire

Tenant compte de cette situation, le présent texte invite à prolonger l’expérimentation de 3 années, conformément aux préconisations du comité national de l’eau.
Nous ne formulons aucune opposition de principe à cette poursuite, puisque nous avions soutenu à l’époque ce dispositif.

Pour autant, il faut reconnaître qu’il en faudra beaucoup plus pour garantir le droit à l’eau, tel qu’édicté par l’article premier de la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques. Aujourd’hui, ce droit reste un droit purement fictif. En effet, s’il est aujourd’hui possible d’aider les ménages en situation d’impayés, aucun dispositif légal ne permet une aide préventive au paiement de la facture d’eau.
Pour notre part, nous nous sommes toujours engagés en faveur d’une aide préventive, privilégiant l’instauration d’une allocation en faveur des ménages dont la facture d’eau dépasse 3% de leurs ressources.

Cette allocation devrait être financée soit par les délégataires de service public, soit par une taxe sur l’eau minérale embouteillée, selon les différentes propositions de loi que nous avons présentées ou soutenues.
L’une de ces propositions de loi est en cours de navette. Son adoption définitive permettrait, au-delà des expérimentations prévues par la loi « Brottes », de disposer d’un mécanisme directement applicable sur l’ensemble du territoire national.

Pour le reste, évidemment, nous ne nous opposons pas aux autres formes de tarification sociale, encore moins à la gratuité.

Il reste donc nécessaire pour l’avenir de poursuivre toutes les expérimentations afin de pouvoir analyser sur le long terme, et définir une ou des solutions qui seraient généralisables mais aussi, et je le souligne, créer les dispositifs d’accompagnement pour les collectivités, aujourd’hui trop livrées à elles-mêmes sur ce sujet.

A ce titre, et pour que la poursuite de cette expérimentation ait du sens, nous souhaiterions disposer de l’ensemble des rapports prévus. Notamment, nous demandons solennellement au gouvernement la remise du rapport d’évaluation et de propositions par le Comité national de l’eau. Par ailleurs, selon le code général des collectivités territoriales, un rapport d’évaluation aurait dû être remis par le Gouvernement au Parlement avant l’expiration de la durée fixée par la loi à l’expérimentation, cela n’a pas été le cas.
Pour aller plus loin, il convient de s’interroger sur l’ensemble des dysfonctionnements dans le secteur de l’eau et les impacts en matière de tarification et de péréquation.

Comment comprendre que le financement de l’ensemble des dispositifs d’accès à l’eau soit uniquement financé par la puissance publique et donc les contribuables ? Cela alors même que les majors de l’eau, délégataires du service public, font des bénéfices indécents ? Nous le savons tous, l’eau vaut de l’or !
Deuxièmement, comment confier aux collectivités une mission de service public supplémentaire en matière de tarification dans un contexte où les finances locales sont très dégradées, où l’environnement législatif est en perpétuelle évolution ?

Plus globalement, nous devrions nous demander sérieusement comment sortir de ce schéma où l’on socialise les pertes et où l’on privatise les profits.

Sur le fond, il faut être clair.

Ce dispositif de tarification sociale reste un dispositif d’accompagnement social.

Pour nous, la question est plus vaste. C’est celle de la définition d’un service public de l’eau, national et décentralisé, qui permette notamment un soutien logistique et d’ingénierie aux collectivités pour l’exercice de leurs compétences dans l’intérêt des usagers. Il est de la responsabilité de l’Etat non seulement de garantir un droit d’accès pour tous mais également la préservation de la ressource. Aujourd’hui, les logiques strictement financières des délégataires conduisent à de grandes pertes du fait d’un réseau en très mauvais état.

Nous réaffirmons donc que l’eau ne doit pas être considérée comme une marchandise, ni comme une source de profits.

Nous en arrivons donc à la question qui nous semble centrale : celle du prix de l’eau.
Un chiffre devrait nous conduire à réfléchir : le prix de l’eau est inférieur de 10 % dans les villes qui sont en régie municipale, donc en gestion publique. Au-delà des tarifications spécifiques, il faut donc s’attacher à créer les conditions d’une démarchandisation de ce secteur pour garantir enfin le droit à l’eau pour tous, tel que défini à l’article premier de la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques.

Voilà mes chers collègues, les quelques éléments que je souhaitais vous exposer alors qu’à l’évidence, nous voterons pour le texte qui nous est proposé.

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