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L’Europe humaine

La chronique d'Eric Bocquet - Vendredi 24 mai 2019

Vous conviendrez avec moi que l’alliance de ces termes, l’Europe humaine, ne se rencontre pas fréquemment dans les discours officiels. C’est le Traité de Rome, signé en 1957, qui créa le « Marché commun », choix révélateur des « Pères fondateurs ». Le marché, voilà le fil rouge inscrit au cœur de la construction européenne.

Alors, pour les « eurobéats », cette Europe-là, comme dit l’autre, tu l’aimes ou tu la quittes. Les europhiles condamnent sans merci les europhobes, Emmanuel Macron change les termes pour enfermer le débat dans sa même logique réductrice, les progressistes d’un côté, les bons et de l’autre les affreux nationalistes.

La liste de Ian Brossat ne se classe ni dans l’une ni dans l’autre, elle est tout simplement antilibérale, anticapitaliste et surtout « alter européenne », oui pour une autre Europe.

Car le projet européen qui nous est imposé ne fait pas rêver, il suscite même beaucoup de peur et de repli sur soi. Chacun se souviendra, ici, de l’irruption du plombier polonais dans la campagne du référendum de 2005. Illustration de cette mise en concurrence effrénée des peuples européens entre eux, au plus grand bénéfice des gros employeurs.

Aujourd’hui, vous croiserez dans les vergers du Vaucluse des travailleurs équatoriens, que l’on a dû présenter comme des salariés espagnols, ils travaillent dans les champs pour récolter des pommes, des poires, des tomates dans des serres surchauffées, 10 heures par jour, 7 jours sur 7 pour un salaire inférieur au SMIC français. En Provence, ces milliers de détachements de citoyens extra-européens via l’Espagne concurrencent désormais les migrations saisonnières des Marocains. Dans le département du Loir et Cher, 9 000 saisonniers, dont des Bulgares, ont été détachés en 2017.

Pour actualiser le propos, sachez, mesdames messieurs, que le plombier polonais est désormais supplanté par le travailleur ukrainien qui est encore moins cher. Dans la ville polonaise de Poznan, 100 000 Ukrainiens viennent occuper les postes laissés vacants par les Polonais partis vivre dans l’Eldorado européen… Tout bénéf pour les employeurs, et en plus, l’effet collatéral c’est la montée des nationalismes, des fascismes, des europhobes… et la boucle est bouclée ! Le business continue.

Allez vite, avec tous les peuples européens victimes de l’exploitation capitaliste, on se rassemble et on la construit cette Europe humaine !

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