À la tribune

Intervention à la tribune

Eric Bocquet s’exprime sur les "Américains accidentels"

Eric Bocquet a été invité à s’exprimer ce mardi 15 mai 2018 à la tribune du Sénat sur la "Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à prendre en compte la situation des « Américains accidentels » concernés par le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA)".

"Américain accidentel", qu’est-ce que c’est ?

Explications issues du dossier législatif, consultable sur le site du Sénat

Des milliers de Français "Américains accidentels"

Toute personne née aux États-Unis est ressortissante américaine en vertu du droit du sol applicable dans ce pays. De nombreux Français nés aux États-Unis ont ainsi acquis de fait, sans le vouloir, la nationalité américaine, parfois du fait d’une résidence occasionnelle ou au cours d’un voyage de leurs parents. Beaucoup d’entre eux n’ont jamais demandé de passeport américain et n’ont accompli aucune démarche liée à cette citoyenneté américaine circonstancielle.

Des obligations nouvelles imposées par l’administration fiscale américaine

Depuis l’entrée en vigueur du Foreign Account Tax Compliance Act ("FATCA") et de l’accord franco-américain de 2013, l’administration fiscale américaine exige de tout Américain, y compris ces "Américains accidentels", la transmission de données notamment fiscales et l’acquittement, le cas échéant, d’impôts supplémentaires aux États-Unis.

Par ailleurs, certaines banques françaises, qui doivent se plier aux exigences fiscales américaines, préfèrent fermer les comptes de ces ressortissants franco-américains plutôt que de se mettre en conformité avec la nouvelle législation.

Une proposition de résolution pour appeler le Gouvernement à agir

Une proposition de résolution a été déposée, en application de l’article 34-1 de la Constitution encourageant le Gouvernement à "veiller à ce que soit prise en compte la situation des "Américains accidentels" et à adopter des mesures répondant à leurs attentes notamment en ce qui concerne :

  • leur droit au compte bancaire ;
  • la garantie de la fin des différences de traitement par les banques françaises ;
  • la réciprocité dans la mise en œuvre de l’accord bilatéral relatif au FATCA ;
  • l’information des Français vivant aux États-Unis des conséquences fiscales attachées à leur expatriation ;
  • la mise en œuvre d’une action diplomatique tendant à obtenir un traitement dérogatoire pour les "Américains accidentels" leur permettant, soit de renoncer à la citoyenneté américaine par une procédure simple et gratuite, soit d’être exonérés d’obligations fiscales américaines ;
  • la réciprocité d’application de l’accord franco-américain du 14 novembre 2013."

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Madame la rapporteure de la résolution, Madame Jacky Deromedi,

Je le déclare d’emblée, le groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste soutiendra par son vote le projet de résolution qui nous est présenté cet après-midi. Nous soutiendrons ce texte pour les recommandations qu’il avance. Effectivement il conviendrait d’assortir d’un amendement particulier, l’accord bilatéral entre la France et les Etats-Unis. Notre diplomatie, dans le cas présent, se doit d’agir de manière urgente et volontariste afin qu’une législation américaine appropriée soit mise au point, visant à obtenir un traitement dérogatoire pour les « Américains accidentels », qui leur permettrait soit de renoncer à la citoyenneté américaine par une procédure simple et gratuite, soit d’être exonérés des obligations fiscales aux Etats-Unis.

L’action diplomatique est nécessaire aussi pour que les engagements de réciprocité intégrale pris par l’administration américaine dans le cadre de l’accord dit FATCA soient tenus. Réciprocité à exiger effectivement, car il convient de rappeler à ce stade que dans l’accord de 2014, les Etats-Unis s’étaient engagés à fournir à la France des informations sur leurs ressortissants évadés fiscaux aux Etats-Unis. A ce jour, les Etats-Unis n’ont engagé aucune démarche pour assurer ces échanges d’information.

Les obligations sont donc bien à sens unique et cette situation, évidemment, n’est pas acceptable.
Il ne s’agit pas pour nous de demander l’abrogation de la loi FATCA, comme certains parlementaires américains ont pu le faire dernièrement, qui exige de tout expatrié Américain d’être en conformité fiscale avec son pays d’origine, concernant les comptes bancaires détenus à l’étranger.

Cette arme de lutte contre l’évasion fiscale a été créée par l’administration américaine en 2010 et mise en place à partir de 2014.

Que dit cette loi ?
Elle fait obligation aux banques du monde entier de communiquer au Trésor américain les noms de leurs clients Américains détenant plus de 50 000 dollars chez elles, sous peine de s’exposer à de lourdes sanctions en cas de non coopération.

Ce qui peut prendre la forme d’une amende équivalant à 30 % des revenus générés aux USA, voire à l’interdiction pure et simple d’activité sur le sol américain par retrait de licence ou d’agrément.
Des mesures drastiques dont il m’appartient de rappeler ici qu’il serait bon qu’elles s’appliquent aussi aux
50 entreprises américaines qui auraient stocké, selon la presse, 1 600 milliards d’euros dans des paradis fiscaux. L’ONG « Tax Justice Network », dans son rapport annuel, publié en janvier dernier, classait les 10 premiers paradis fiscaux mondiaux, selon leur indice « d’opacité ». La Suisse venait en tête, suivie de très près par les Etats-Unis, dont l’ambivalence sur le sujet est confirmée par l’existence de trois Etats américains en situation de « paradis fiscal », le Delaware, le Wyoming et le Nevada.
On y autorise en effet avec une grande facilité l’enregistrement d’entreprises prête-nom et de trusts anonymes dans la plus grande discrétion. Les Etats-Unis combattent l’évasion fiscale qui nuit à leurs intérêts propres.

La puissance de l’économie américaine donne aux USA la capacité d’imposer des règles en dehors de leurs frontières, et cela vaut aussi pour les banques du monde entier qui doivent se conformer à la loi nord-américaine puisqu’aucune d’entre elles ne pourrait se permettre de se passer de ce marché.

La piste de la renégociation de la convention fiscale franco américaine pourrait aussi être envisagée, mais cette procédure risquerait de prendre plusieurs années.

Aussi, les recommandations portées par la proposition de résolution nous semblent constituer, pour l’heure, la voie la plus raisonnable à suivre.

C’est donc ce qui nous amènera en toute lucidité à émettre un vote favorable sur cette proposition de résolution de notre collègue Jacky Deromedi.

Je vous remercie de votre attention.

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