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Moïse à la Fête de l’Huma

La chronique d'Eric Bocquet - Vendredi 21 septembre 2018

Chaque année on se demande si la fête sera faite de boue ou de poussière. Cette année ce fut poussière, un soleil radieux, un soleil d’avenir et une chaleur climatique et humaine incomparable.

Il y a bien longtemps que l’on n’avait vu une telle marée, coefficient 120, compteur explosé. Une cité « communiste » au sens profond du terme, l’utopie, ainsi le cas de ce groupe de musiciens, pas prévu, au stand du Nord qui joue des airs endiablés pour une bière, avec une interprétation originale des « Corons » de Bachelet, repris à gorge déployée par tout le stand qui en frémit encore. Ils poursuivent leur croisade musicale dans d’autres contrées. Quelle pêche !

Un peuple bigarré, 131 pays représentés, deux tiers du monde, de quoi jeter les fondations de la COP mondiale pour lutter contre l’évasion fiscale depuis la fête ! Le passé et l’avenir se côtoyant pour accoucher du monde nouveau, Maurice Audin l’honneur retrouvé pour ce mathématicien communiste mort sous la torture en Algérie, la jeune palestinienne Ahed Tamini libérée récemment des geôles israéliennes dans les allées de l’Huma.

Un gouvernement des luttes constitué samedi après-midi pour changer la vie, avec des témoins de la vraie vie, les derniers de cordées, les Mac Do de Marseille, agents en EHPAD, à l’hôpital, des ouvriers de la Souterraine, entreprise GM et S, Sandrine Rousseau s’occupant de la violence faite aux femmes… Aucun ministre sorti de l’ENA, de Polytechnique ni des grandes banques ou des conseils d’administration des multinationales, non, tous d’en bas, ceux qui ne sont rien dans la vision macronienne du monde ultralibéral.

Des livres, 50 000 au village du livre, un temple du savoir populaire, démocratisé, oui l’écrit et puis l’oral bien sûr, des cris, des chants, des concerts, des artistes, près de 80 évènements musicaux.

Tellement de monde que les déplacements pédestres se font à une vitesse moyenne de 2 km/h. Remonter vers la grande scène pour aller écouter le grand Lavilliers, lutteur, poète engagé, depuis le stand du Nord, c’est une folie, les uns contre les autres, à petits pas, on progresse, la patience une vertu révolutionnaire. Tout à coup une ambulance au loin… comment va-t-elle pouvoir avancer ? Et puis, la foule se déchire dégageant le chemin, ça passe… La « Mer Rouge », façon Humanité, qui s’ouvre en deux pour créer le passage nécessaire. Solidarité spontanée. Et pourtant pas de Moïse à l’horizon…

Retour dimanche soir chez soi, attente du JT de 20h sur France 2… rien sur l’Huma ! J’aurais donc rêvé ? Non, l’Humanité de lundi me confirme la réalité de cette fête fantastique…

Alors ce peuple qui a goûté à la fête on doit aller le retrouver partout dans le pays… Sans lui, rien ne changera fondamentalement.

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