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Eric Bocquet réagit à la suppression de l’ "exit tax" par Emmanuel Macron

Hier, Emmanuel Macron a déclaré vouloir supprimer l’« exit tax », un dispositif mis en place pour lutter contre l’évasion fiscale. Le Président y voit « un message négatif aux entrepreneurs ».
Pour Eric Bocquet, cela confirme le positionnement ultralibéral du chef de l’Etat.

Interrogé par Public Sénat, Eric Bocquet a pu réagir suite à cette annonce. Vous retrouverez ci-dessous l’article dans lequel il témoigne, et une sélection d’articles sur le sujet.

Son témoignage dans l’article de Public Sénat, à retrouver ici.

Suppression de l’« exit tax » : la gauche dénonce un « cadeau de plus aux plus riches »

Emmanuel Macron veut supprimer l’« exit tax », un dispositif décidé par Nicolas Sarkozy pour lutter contre l’évasion fiscale. Le Président y voit « un message négatif aux entrepreneurs ». Pour le sénateur PCF Eric Bocquet, cela confirme le « positionnement ultralibéral » du chef de l’Etat.

Par François Vignal

Si Emmanuel Macron voulait alimenter la petite musique de « Président des riches », il ne s’y prendrait pas autrement. Lui assure qu’il est avant tout un Président pro-business. Mais son annonce de supprimer « l’exit tax » suscite déjà, à gauche, mais aussi à droite, de nombreuses réactions d’indignation.

Une mesure décidée par Nicolas Sarkozy pour lutter contre l’exil fiscal

« Nous allons la supprimer l’an prochain », affirme Emmanuel Macron dans un entretien à paraître dans le magazine américain Forbes. « Elle envoie un message négatif aux entrepreneurs en France, plus qu’aux investisseurs. Pourquoi ? Parce qu’elle implique qu’au-delà d’un certain seuil, vous allez être pénalisé si vous quittez le pays. Et c’est un gros problème pour nos propres start-ups, parce que la plupart d’entre elles, considérant la France moins attractive que l’étranger, ont décidé de se lancer de zéro depuis l’étranger rien que pour échapper à cette taxe » fait valoir le chef de l’Etat.

De quoi parle-t-on ? L’« exit tax » vise à dissuader le transfert de domicile fiscal à l’étranger en imposant des plus-values sur des participations détenues par un contribuable quittant la France. Une manière de lutter contre l’évasion fiscale. Elle a été décidée en 2011, sous… Nicolas Sarkozy, loin de mener une politique anti-entrepreneuriale. Il s’agissait de lutter contre l’exil fiscal, notamment vers la Belgique. Pour échapper à la fiscalité française, certains entrepreneurs décidaient de s’installer en Belgique afin de diminuer la fiscalité lors de la vente de l’entreprise. Le plat pays n’impose pas les plus-values réalisées lors de la vente. L’« exit tax » les empêche ainsi d’échapper au fisc français.

La taxe a rapporté 800 millions d’euros à l’Etat en 2016

Selon le dispositif d’origine, une personne qui quitte la France avec un patrimoine mobilier de plus de 1,3 million d’euros doit déclarer au fisc la valeur de ce patrimoine au jour du départ et la plus-value latente, soit sa valeur au jour du départ diminuée de la valeur d’acquisition. S’y ajoutent les prélèvements sociaux. En 2014, sous François Hollande, le dispositif a été durci et le seuil est passé à 800.000 euros. Les personnes détenant au moins 50% du capital d’une entreprise sont aussi concernées.

Pour justifier son choix, Emmanuel Macron ajoute que la taxe « n’est pas particulièrement bonne pour les finances publiques françaises non plus. C’est infime et cela représente un coût d’opportunité ». Selon les données obtenues en 2012 par la commission des finances de l’Assemblée, son rendement avait été de 53 millions en 2012 et à 62 millions en 2013, alors que Valérie Pécresse comptait sur 200 millions d’euros. Mais selon un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, le rendement de l’« exit tax » a augmenté en 2016, soit après l’abaissement du seuil à 800.000 euros, à 803 millions d’euros, comme le relève Marianne.

399 redevables en 2014

Ce nouveau coup de pouce fiscal est aussi extrêmement concentré. En 2014, on a compté 399 redevables de l’« exit tax ». Ils ont déclaré un montant total de plus-values de 2,6 milliards d’euros, toujours selon le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, soit 6,9 millions d’euros par foyer.

Et ce sont surtout les plus riches qui ont été les plus concernés. « Les plus-values des partants apparaissent très concentrées » souligne le rapport. « En effet, les 35 foyers du dernier décile de plus-values représentent 64 % du montant total des plus-values déclarées », soit 48,5 millions d’euros en moyenne pour les 35 foyers qui ont déclaré les plus grosses plus-values… qui seront les premiers bénéficiaires de la fin de l’« exit tax ».

« Un cadeau de plus aux plus riches, après la suppression de l’ISF et de la flat tax » dénonce le sénateur PCF Eric Bocquet

Cette décision d’Emmanuel Macron indigne la gauche. Sur la forme, comme sur le fond, pour le sénateur PCF Eric Bocquet, rapporteur de deux commissions d’enquête du Sénat sur la fraude et l’évasion fiscale. « Ce n’est pas anodin qu’il fasse cette annonce à Forbes où il fait la Une, avec ce titre : leader mondial du libre-échange. Il est intronisé comme leader mondial du libre marché » souligne à publicsenat.fr le sénateur du Nord. Sur le fond, « c’est quand même sidérant. Cette taxe a été mise en place par Nicolas Sarkozy, en 2011, et on se retrouve en deçà. Ça en dit long sur le positionnement ultralibéral du Président Macron. C’était déjà une évidence. Mais ça se confirme ».

Eric Bocquet y voit « un cadeau de plus aux plus riches, après la suppression de l’ISF et de la flat tax. On le justifie en disant qu’il faut attirer les investisseurs et les capitaux. Mais au même moment le budget souffre, on n’arrive pas à faire face aux besoins en santé, logement, etc ». Eric Bocquet souligne les signaux contradictoires du gouvernement. « On nous annonce un plan de lutte contre l’évasion et, en même temps, une décision qui va favoriser l’exil fiscal… »

Selon le sénateur communiste, l’ensemble de ces mesures sont la conséquence de « la proximité évidente entre le monde de la finance et un certain monde politique. Et l’affaiblissement du Parlement envisagé va aussi dans ce sens. L’idée, c’est de laisser la place au tout marché ». Il en veut pour preuve « le parcours personnel d’Emmanuel Macron, la banque Rothschild. Il incarne vraiment le pouvoir libéral. Il faut l’afficher clairement. Il y a une espèce de tromperie majeure ».

[...]


Au sujet de la suppression de l’ "Exit tax", vous pouvez lire l’article de l’Humanité, à retrouver ici

Emmanuel Macron fait encore une fleur aux grandes fortunes

Lionel Venturini

Le chef de l’Etat annonce dans un magazine américain vouloir supprimer une taxe instaurée pour limiter la domiciliation à l’étranger des grandes fortunes, taxe instaurée par Sarkozy et ayant rapporté 800 million d’euros en 2016.

Est-ce parce qu’il s’y exprime en anglais qu’Emmanuel Macron s’est fait « cash » ? En accordant un entretien au magazine des affaires Forbes, le président de la République y a fait l’annonce de la prochaine suppression d’une taxe qui concerne les grandes fortunes, " l’exit tax". Cette imposition, qui s’applique depuis que Nicolas Sarkozy l’a instaurée en mars 2011, vise à dissuader le transfert de domicile fiscal à l’étranger en imposant les plus-values sur des participations détenues par un contribuable quittant la France. Taxe qui disparaît même, si un chef d’entreprise qui devient résident en Belgique pour échapper à l’impôt en France, attend huit ans avant de revendre son entreprise.

Macron s’inscrit désormais dans la course au toujours moins d’impôt

Pour Emmanuel Macron, cet impôt sur les plus-values envoie un "message négatif aux entrepreneurs, plus qu’aux investisseurs", car il signifie qu’"au-delà d’un certain seuil, vous êtes pénalisé si vous quittez la France". Face au capitalisme sans patrie, il est délicat pour Macron d’argumenter, lui qui dans un discours européen à la Sorbonne en septembre 2017, préconisait la création d’un fond commun de l’eurozone financé par des taxes sur les entreprises et évoquait même un impôt sur les transactions financières, défendait une régulation « avec un procureur commercial européen chargé de vérifier le respect des règles par nos concurrents et de sanctionner sans délai toute pratique déloyale ». Fini, l’idée « d’encourager la convergence au sein de toute l’Union en fixant des critères qui rapprochent progressivement nos modèles sociaux et fiscaux ». Emmanuel Macron s’inscrit désormais dans la course au toujours moins d’impôt, considérant que « c’est une grave erreur pour nos start-up parce que nombre d’entre elles, quand elles considéraient la France moins attractive, décidaient de lancer leurs projets en partant de zéro à l’étranger dans le but d’éviter cet impôt", a ajouté le chef de l’Etat, précisant que cette suppression interviendrait "l’année prochaine". "Le message que je veux envoyer aux investisseurs étrangers est que nous baissons l’impôt sur les sociétés, nous simplifions tout, apportons plus de flexibilité sur le marché du travail, accélérons la transformation de l’économie française", a-t-il ajouté, au cours des 20 minutes d’entretien accordé. « Je n’abandonnerai ni ne diminuerai mon ambition envers les réformes, parce qu’il n’y a pas d’autre choix », lance Macron, dans la lignée du « il n’y a pas d’alternative » lancé en son temps par Margaret Thatcher.

« Le président des très riches »

L’exit tax supprimée en 2019 ne serait « pas particulièrement bénéfique pour les finances publiques », selon Macron. Avec un rendement de 803 millions d’euros en 2016, selon les chiffres du Conseil des prélèvements obligatoires qui évoque à son propos « un régime attractif », même si moins intéressant que la Grande-Bretagne pour les hauts patrimoines, on n’est pas loin du milliard d’euros pourtant.
Macron reprend à son compte l’idée d’un « fardeau » des impôts pesant sur les entreprises, et fait du " coût de la défaillance » des entreprises " l’un des principaux problèmes du pays ». "Dorénavant, il est plus facile d’échouer et ça ne coûte rien, ce qui est le meilleur moyen d’encourager les entrepreneurs à se lancer et réussir". Oubliant que le coût de l’échec lui, est mutualisé avec l’argent des cotisations sociales des salariés. En tournée de promotion pour son livre, François Hollande, à qui l’on demandait si l’expression « président des riches » convenait pour Macron, a répondu « non, ce n’est pas vrai. Il est le président des très riches ». Dont acte.

Lionel Venturini
rubrique politique


Vous pouvez également visionner la vidéo proposée par le journal "Les Echos", à découvrir ici

Impôts : l’« exit tax » n’a pas freiné les départs des plus fortunés

Ingrid Feuerstein

EXCLUSIF + VIDEO. Les départs à l’étranger des contribuables dont le revenu est supérieur à 100.000 euros annuels ont encore augmenté, d’après le dernier rapport de Bercy. Ils ont été trois fois plus nombreux en 2015 qu’en 2010.


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